Pages

dimanche 30 décembre 2012

Oui j'écoute !

Moi, le plus souvent, dès qu'il y a une fille qui chante, j'ai un peu tendance à croire qu'elle parle rien qu'à moi, et je souris..."And I find myself daydreaming of the places where we used to stay..."




"Tordu tour du monde, tout au long, la question..."

Retour du ptit gars, l'heure est venue de moins inverser les cadrans, et puis ya eu Dacha qui ne revient jamais (et a volé mes clés !!), Seb pour une soirée où la symbolique du chiffre trois nous est apparue comme une révélation (mais il y croit pas), Roxane qui veut tout le temps me voir quand j'y suis pas, Benoît mon frère du bout du monde qui passe à la gare mais tellement tôt que j'ai pas pu me lever (oh que tu me manques toi !),  Pascal qui m'attend pour repeindre ses murs (il m'attend toujours, je me réserve pour le réveillon !), Gérard qui vient puis qui vient plus, Zucco qui se déchaîne avec ses rêves en SMS, et inédit pour moi, j'ai fini la semaine en Corse, et en plus ce serait que le début d'un ptit tour du monde, mais que sur Bordeaux ! Cooool !


Japoooooon je t'aime !! Attention la bombe de ces derniers temps venait (encore !) de là-bas, sous la forme d'un roman plutôt policier, et prénommé Le mauvais de Shuichi Yoshida. Roman haletant, pétri de suspenses et d'interrogations: une jeune fille est tuée auprès d'un pont, et à partir de cette trame policière, le roman va prendre le contre-pieds, laissant justement la police à l'arrière-plan, pour s'occuper des personnages proches de la fille. Et dès lors c'est un puzzle très habile et diablement prenant qui se construit, puisqu'entre ce qu'on sait, croit savoir et ignore, l'auteur va effectuer un dosage ultra-précis pour nous amener vers bon nombre de surprises, et surtout apporter un souffle bien plus humain que polar à son histoire. On découvre donc des personnages de tous âges, de tous rêves, de toutes conditions, emportés (parfois malgré eux) dans un engrenage fatal. Bizarrement, cette intrigue morcelée et cette attention aux gens m'a plus fait penser aux films coréens de la grande époque, mais quoiqu'il en soit, on tient là une perle définitive, qui comme par hasard bien souvent répété ces derniers temps, provient de l'excellente collection Philippe Picquier.


Et tant qu'on y est on remet ça aussitôt avec Park Life, du même auteur, un court roman-dérive autour d'un parc, sur le thème le plus doux des amours potentiels: la rencontre dont on n'arrive pas à cerner la nature exacte, ici avec une femme assez excentrique dans sa tête. Cela donne un roman certes moins ambitieux que Le mauvais, obligatoirement, mais qui possède un charme fou, une petite musique de printemps, et tout cela fait tout simplement du bien. Auteur à suivre, auteur déjà suivi.

C'est pas souvent, j'ai lu un roman espagnol que Cyril ne connaît pas (et croyez-moi, ceci est presque impossible !) ! Encre, de  Fernando Tras de Bes est une sorte de conte délirant métaphorique fort plaisant: en 1900, une femme trompe tous les mardi son mari avec un inconnu (toujours le même), sans comprendre pourquoi. Abattu, le mari, libraire, décide de lire tous ses livres pour trouver la raison de cette injustice. Il croisera alors un mathématicien qui a perdu son fils et a le même objectif mais pas les mêmes méthodes. Et dès lors s'ensuit une quête éperdue et loufoque, mais à la Borges, avec érudition et humour pince-sans-rire, à travers tous les acteurs du monde du livre: imprimeurs, éditeurs, correcteur, etc...une fable étonnante et plaisante, idéale pour les lectures de pleine nuit...




Et en avant pour la Corée, La surproductivité de Kim Sung'ok est un petit ravissement situé (et écrit je crois) dans les années 60: le narrateur, un jeune journaliste, se promène entre son groupe de copains, leurs aventures avec un cochon ou un lapin qui fait du théâtre (si si), son amoureuse, un ange selon lui, fille de sa logeuse, le tout sous un regard plein d'humour, de purs délires, et de grande tendresse. Au final, un petit bijou étrange, qu'on ne sait trop comment regarder tant il s'échappe par toutes les voies possibles: amusant ? Touchant ? Décalé ? Précieux, ça c'est certain.


Détour par la Chine avec encore une rencontre, mais plus trouble que dans Park Life: Amour dans une ville enchantée de Wang Anyi est un peu un lost in translation chinois, sauf que les personnages sont tous deux adultes. Une rencontre de dix jours dans un salon littéraire, juste assez pour vivre tous les vertiges entre la passion, le couple, le passé, le quotidien et le futur. Dix jours où tout bascule, ou dix jours comme une parenthèse ? Faut lire pour savoir !




   

L'ultime déflagration viendra des USA avec l'ébouriffant Vie animale de Justin Torres, un peu plus de cent pages débordant de vitalité, de poésie, de style, clairement, pour finalement une suite d'instantanés (mais qui se secouent dans tous les sens) sur une famille: père, mère, trois garçons. On navigue entre le style fou de LF Céline, les visions baroques de la pauvreté voire la misère à la manière des comédies italiennes années 70, et vision crue et pleine d'amour de l'enfance dure et sans naïveté (j'ai parfois pensé au génial film de Bouli Lanners, Les géants). Le tout sur un mode supersonique, ça va vite, ça cogne, pleure, crie, crache, frappe, enlace sans aucune différenciation, et puis le dernier chapitre résonne comme une conclusion inattendue à ce qui semblait n'être qu'une mosaïque éparse: aïe, en plus, il y a derrière tout ça une autre dimension: et là le livre se tait, mais après avoir éructé, hurlé, chanté, presque transformé une boue possible en or: C'est un premier roman, et c'est pas souvent qu'on en lit de si puissants.



On finira l'année cinéma avec le plus simple et souvent le plus fort: le documentaire de Sébastien Lifshitz, Les invisibles, offre du cinéma efficacité garantie (pour moi): on plante la caméra et on écoute des gens parler de leurs vies, ici de vieux homos. Et bien sûr c'est passionnant, parce que quand les gens racontent leurs vies, car ici c'est bien de cela qu'il est question, être soi-même ou à peu près dans un lieu et un temps donné, avec le boulot, la famille, les amours, les désirs, les bifurcations, les sentiments, toute cela brassé par des paroles justes, drôles ou émouvantes, on ressort de là gonflé à bloc, avec en plus l'étonnement d'écouter des gens si âgés parler si aisément d'une intimité qu'on croit allant s'effaçant avec les années, mais non, il y a là une douce sagesse révélée en filigrane: ne nous inquiétons pas, tout reste...

Eh bien moi j'aime bien la chorale pop de Reims The bewitched hands. Et c'est tout !



jeudi 27 décembre 2012

Ave tenebrae

Bien sûr Volor Flex a tout pompé sur Burial, mais c'est aussi bien que l'original pour une fois, alors on met très fort et on s'y égare...



lundi 24 décembre 2012

Le dernier sera donc le premier

Ahiiiiii !! Je viens de voir LE PLUS BEAU FILM DE L'ANNEE 2012 !!  Et très très haut la main en plus !


Alors le portugais Miguel Gomes, j'avais vu son film précédent, Ce cher mois d'août, étrange objet non-identifié de 2h30, qui oscillait entre documentaire et fiction. Je voyais bien qu'il y avait là un mec inventif, mais de là à imaginer que la suite atteindrait de tels sommets, fallait le prévoir...
Je lis jamais rien sur les films avant, je connais pas trop les histoires j'aime bien découvrir, et les avis je les regarde en diagonale. Là j'avais simplement récupéré les mots "passion" et "classicisme", ouh là, je craignais un film type le Clint Eastwood qui m'ennuie à moitié (enfin, tout Eastwood m'ennuie par justement la faiblesse de son classicisme), style La Route de Madison, devant lequel je rêve de pleurer mais baille poliment.
Tout faux, parce s'il y a bien un film puissamment moderne, puissamment inventif, puissamment aux avant-poste du défi artistique le plus fort et le plus improbable: réinventer les manières d'aborder l'amour, c'est bien cet incroyable et bouleversant (j'en frémis encore en écrivant) Tabou. Là où souvent les histoires d'amour au cinéma jouent la carte périlleuse et la plupart du temps ratée émotionnellement du romantisme, Miguel Gomes a pris la tangente en fonçant tête baissée dans toutes les fièvres, les passions, et donc le Romanesque, valeur suprême dans mon petit Panthéon de poche.
Ca signifie donc ici: du noir et blanc, une intro qu'on ne comprend qu'au bout de 10 minutes mais qui offre une clé qui ouvrira les portes bien plus tard, et une première partie, Paradis perdu, totalement à l'opposé de l'histoire de passion qui serait annoncée. Rigueur des plans, voire froideur, pièces d'un puzzle qui tarde à se construire, âges pas vraiment prévisibles, liens entre les personnages étranges à cerner: hum hum, mais c'est quoi ça là ? Elle est où l'histoire de passion ?? Et puis événement, et puis surgissement d'un très vieil homme, blouson de cuir sur dos, mégot au bec, et là, seconde partie: Paradis. Et là: stupeur. Bouche bée pendant plus d'une heure. Autre temps, le passé, autre pays, le Mozambique, mêmes personnages mais plus jeunes, voix-off sépulcrale, et tout autre film pour une raison de mise en scène qu'il vaut mieux ne pas dire pour en savourer l'émotion folle. Je me disais, non, il ne va pas oser faire ça jusqu'au bout, mais si: jusqu'au bout bien sûr, car à partir de là ce sont les extrêmes les plus impossibles à tenir qu'affronte Miguel Gomes, et dont il triomphe à la force d'idées de mise en scène et d'acceptation d'aller jusqu'aux centres les plus furieusement brûlants des sentiments. Donc morale et passion, donc amour et interdits, donc fièvres et tout balancer, donc tout retrouver et folie, donc en fin de compte la rencontre d'un homme et d'une femme, ceux qu'il fallait absolument, ce qu'il ne fallait surtout pas. Et face à eux, stupéfait, mieux encore: pétrifié: moi, le spectateur. Qui n'en croit yeux, ni oreilles, ni battements de coeur, ni larmes. Et qui repart tremblotant dans les rues, non de froid, mais de joie: parce que ce film, c'est mon chéri de l'année 2012, parce qu'il y avait longtemps qu'un cinéaste m'avait pas montré l'amour et la passion avec un style et une intensité dont j'ignorais l'existence.
Il y a les histoires d'amour qu'on vit, et celles qu'on voit: et parfois, par des miracles qu'on mettra des mois à déchiffrer, elles ont la même importance émotionnelle dans nos vies. Parce qu'elles nous bâtissent. Comme ce soir...

Allez Zucco, jte fais un cadeau, un dernier solo, pour toi qui pourtant selon certaine n'était pas le roi des accueils sur le quai !!!






"Un jour comme quand on s'est aimés"

Une loque vous écrit (c'est moi !)...
Alors alors...bon ben j'y suis allé et en suis revenu, un pur passage dans un tout autre monde, voire univers, j'ai fait ma mission, faire rire, par contre j'ai pas tout le temps ri...logé chez une vraie dingue qui passe son temps à taper sur la table avec des mains quatre fois plus grosses que les miennes, et qui vers 16h45 m'appelle (alors que je me cache dans la chambre) d'un terrifiant "A taaaaable..."Je veux plus manger, je veux plus y aller, et non Zucco, je veux pas la recevoir !!!...
Au rayon (de l'étagère ??!) beaucoup plus cool et délicieux, c'est les vacances donc Mamzelle Dacha ressurgit certains soirs et petits matins (mais c'est la dernière fois, snifff) et cadeau de Noël elle invite chez moi Mamzelle Marion qui n'est vraiment pas n'importe qui, quatre cerveaux au moins dans un seul crâne, plein d'humour et d'intelligence, bien azimutée et en prime ayant apparemment vécu au moins douze vies différentes dans une seule: j'ai passé une bonne soirée (et mon ptit gars aussi, ce petit coquin concentré comme pas deux sur l'ordi pendant toute la discussion me reparle de TOUT ce dont ces filles ont parlé le lendemain matin !!).
Et au rayon mais que sont ces dimanche ??!!, hier soir je comptais donc me reposer bien sagement quand surgit Miss Morgane, bonnet à pompon sur la tête et vélo traversant les nuits bordelaises, bon ben on fume un peu ?? Ouiiii !, puis on fume beaucoup, puis on fume beaucoup trop, mais elle, contrairement à msieur Seb, quand je propose le dernier joint elle dit toujours oui et donc on a fumé plein de derniers aussi !! Je tairai sa tendance à confondre un verre de vin et une bouteille entière (j'étais au thé, dieu merci), mais je clamerai merci pour ces heures où on a fait que rigoler, c'était une soirée vraiment extra, et hum, heureusement qu'il n'y avait que nous deux, parce que franchement vers 2h du matin, on avait vraiment des sales têtes !! Donc aujourd'hui, je suis une loque !! cqfd !!!
Allez, quelques mots sur les derniers livres de l'année ou presque.



Quitte à y aller, autant emporter un polar allemand: Sonatine une fois de plus a fait mouche avec Sorry de Zoran Drvenkar, un polar vraiment hyper bien construit, roi de la surprise et du suspense. Quatre jeunes amis fondent pour rigoler une société qui propose aux entreprises de se faire pardonner par leur intermédiaire: pas de bol, un serial killer les engage ! Sur cette trame apparemment bizarre, c'est vraiment un piège ultra-calculé qui constitue le roman: habile narration à plusieurs points de vue (dont certains nous restent trèèèèès longtemps inconnus, jeu sur les avant et après, rebondissements trop bien placés et totalement imprévus, ça se lit tout seul, ça inquiète, donc ça plaît.



Je suis beaucoup plus sceptique sur Les apparences de Gillian Flynn: là encore, il y certes une construction habile, un livre coupé en deux fois deux (faut le lire), par contre l'histoire de ce couple où la femme disparaît subitement et où tout semble accuser le mari s'est avérée, par ses personnages et ses images du couple, pour moi terriblement superficielle et banale, pire encore: ramassis de clichés. Vu que j'étais pas chez moi je l'ai lu jusqu'au bout, je suis pas sur que je l'aurais fait sinon. Alors oui l'intrigue est bien menée, mais j'ai passé mon temps à me demander si cette superficialité était le reflet du monde qu'elle décrit, ou la seule chose que cette auteure  apparemment à succès (jamais entendu parler) est capable de donner...



Sonatine, troisième, avec le très chouette 22 novembre 63 d'Adam Braver, un petit bijou qui m'a repoussé au départ par son thème (suivre Jackie Kennedy ces jours-là) et m'a emballé par son style et son point de vue: le quotidien d'une femme, d'une personnalité et d'une "victime" d'un événement hors-normes. Le livre est autant journalistique (au bon sens du terme, qu'il est si rare de trouver) et romanesque, que palpitant et sensible, et finalement recrée très habilement ce que tout cela a dû être: un tourbillon, mais autour duquel le monde continue de tourner implacablement. Excellente surprise, vivement recommandé.



Je l'ai pris parce qu'elle est passée à Varsovie (j'aiiiiime) en 1946: Paula Fox jeune journaliste quitte son Amérique natale pour visiter l'Europe en ruines, et en rapporte L'hiver le plus froid, témoignage autant autobiographique où on la suit au quotidien, ses rencontres, quelques amours même, et historique, ce monde ou ce qu'il en reste (n'en reste pas, plutôt). C'est court, dense, tellement étrange que ça en devient nécessaire. 




L'herbe des nuits le dernier Modiano ne vaudra pas l'herbe de la soirée d'hier ! Plus sérieusement, j'étais content de retrouver ce grand monsieur, mais finalement mouais bof, on reste bien sûr dans le même tempo et univers, sauf que là ça tourne parfois vraiment en rond, avec quelques tics d'écriture un peu rasoirs. Une fois refermé, angoisse: J'ai vieilli ? Il a vieilli ? On vieillit mal ? Je sais paaaaaas !





On finit sur le recueil de nouvelles de la coréenne Eun Hee-Kyung, Les boîtes de ma femme, qui confirme ma tendance actuelle à plonger dans les nouvelles asiatiques avec délices. Histoires de couple, caustique, étranges ou belles, ce recueil me permet l'une de mes activités favorites depuis trois ans: continuer sans fin de m'étonner de la production artistique du pays le plus important de ces derniers temps: la Corée du Sud...






Fin d'année, c'est pas que les bilans, c'est aussi l'heure des pleurs devant les trucs ratés: en concert, je suis pas allé voir les Concrete Knives et les Bewitched Hands, et c'est pas malin. J'ai raté The luyas à cause du boulot et ça grrrrrrr. Et scandale inacceptable: deux des films apparemment les plus passionnants ne sont pas passés à Bordeaux en salle, enfin le premier si mais une pauvre petite semaine, le deuxième même pas et à bas les distributeurs avec leurs films pourris. Donc adieu déjà Rengaine de Rachid Djaïdani et surtout le paraît-il génial L'âge atomique d'Helena Klotz...pas juste...

Electro cool pour finir, il est 11h du matin, et si je m'écoutais j'irai dormir ! Bon ben je m'écoute pas ! Allez, tout le monde, See you next time...





lundi 10 décembre 2012

"Tout le monde ils en ont un...!"

Bon, Seb, d'accord tu viens manger dimanche soir mais pas tard hein, lundi je bosse hyper tôt et c'est une grosse journée...total: on va acheter des oeufs et une patate, on tombe sur la lune, on en apprend plein sur la figuration et l'aqua-gym, on repart les proches pleines, et adieu repos, on fume des joints et on finit bien épuisés ! Sinon je pars dix jours en Allemagne, alors le blog se repose un peu.



Un très beau recueil de nouvelles japonais encore (je me demande bien ce qui me prend de lire tant de nouvelles asiatiques en ce moment, moi qui ne lis jamais de nouvelles !), Le marais des neiges de Toshiyuki Horie situe toutes ses histoires dans une petite ville perdue vers les montagnes, et raconte des bouts de quotidien qui construisent peu à peu une géographie sentimentale des vies en apparence anodines, en évidence pleines de bruits feutrés et de fureurs retenues. Un bowling qui ferme, une cuisinière venue de Tokyo qui s'en va, et bien d'autres récits doux et émouvants, pour une énième réussite parfaite de cette littérauture-là. beau, beau, beau...

Deux morceaux pour le départ, d'abord le rock retenu et sombre d'Ormonde, puis le génial beatmaker poétique L'orange, révélation stupeur de ma fin d'année. A bientôt...






samedi 8 décembre 2012

MJ the killer !!

Titre spécial private joke, qui a bien fait rire mon ptit gars, et qui me permet de saluer ma nouvelle lectrice !! D'ailleurs, il y a tant d'années, j'ai vu un film qui a changé ma vie - au sens, clairement, où ma vie n'aurait jamais été ce qu'elle a su être sans ce film - et plus étrangement encore, en sortant du cinéma, je m'étais dit, comme un croyant peut probablement espérer follement: ma vie doit être comme ce film. Bingo: il m'a permis qu'elle le soit. et donc dans ce film, il y avait ce court dialogue à un moment: (les deux personnages sont à une soirée, à Paris)
"- Pourquoi ce type m'appelle "les potes" tout le temps ? il m'en veut ?
- Non! Il nous aime beaucoup ! Moi, moins, mais il doit bien t'aimer, toi. Je crois qu'il fait de l'esprit, tu sais. Et puis il est très..."normal" peut-être. Mais dire "pote", c'est "normal", non ? Des fois, Nathan dit des choses comme ça.
- Enfin, ça me met très mal à l'aise.
- Attends ! on est à Rome, on fait comme les Romains...
- Ce type n'est pas "romain" du tout !
- Si ! Il est "romain" d'une certaine manière. "Mon pote", c'est assez "romain".



Un mot juste pour un coup de foudre russe (non, Dacha, je parle pas tout à fait de toi !): découverte d'une jeune auteure qui m'a scotché, Natalia Klioutchareva avec Un train nommé Russie, un roman totalement électrique, une décharge bourré de style, de culture, d'histoire, de jeunesse, bref un roman éblouissant et ébouriffant, l'histoire, si l'on peut dire, d'un jeune homme dans un train traversant la Russie, mais surtout traversant l'histoire et la mentalité russe, croisant des personnages-symboles, et surtout courant après (aux deux sens du terme: après l'avoir vécu, ou cherchant à le retrouver) l'amour de sa jeunesse, cette magnétique Iassia qui donne au roman ses pages les plus folles, presque dignes de Rimbaud version féminine parfois, cette fille géniale et dingue, aux cheveux multicolores, une pile de vies au carré, aussi énigmatique qu'obligatoirement appel à l'amour. Un roman-somme de 180 pages seulement, absolument rock'n roll, absolument russe, absolument d'aujourd'hui et pourtant dieu merci intemporel, un roman où ça frémit de partout, ou c'est écrit pour dire des choses, où les pages sont chargées d'électricité statique et en mouvements surtout, un roman bourré de culture, de références et en même temps sauvagement libre. Mon Dieu, mais qui est cette fille qui l'a écrit, quel est ce pays, qui sont ces personnages qui aimantent notre amour ? La voilà la tempête sauvage par les mots: là, j'avoue, ce livre, je m'en suis pas encore remis. Et je compte bien ne pas m'en remettre. Comme un torrent, mais sans jamais rechercher l'accalmie des rivières des après. Et j'ai même pas recopié le passage le plus nucléaire, et il y en a...

"Le bonheur était pareil aux valves d’un coquillage translucide, qui se seraient refermées sur eux tandis qu’ils s’embrassaient, s’enracinant l’un dans l’autre quelque part à la cime d’un pont.
Et ils pouvaient passer un jour entier couchés sur un banc du musée Akhmatova près de la Fontanka à regarder le vent faire indéfiniment passer les feuilles des tilleuls du vide du ciel si bleu dans le vide si bleu du ciel. Tout en bavardant dans une sorte de langue d’oiseaux, incompréhensible pour les non-initiés, qu’ils inventaient en parlant et oubliaient sur-le-champ.
Un seul mot lui était resté de ce langage. Iassia avait l’impression que c’était le meilleur vocable pour parler aux forces de la nature.
« Vientch » criait-il aimablement aux canards gris qui agitaient leurs pattes sur la rivière Smolienka. Les canards acquiesaient en cancanant et poursuivaient leur chemin sur l’eau.
« Vientch » murmurait-elle aux fleurs blanches du vieux cimetière arménien. Les fleurs lui rendaient son salut, élastiques sur leur tige fragile.
« Vientch ». Iassia conjurait la tempête, debout sur un tonneau renversé parmi les embruns, l’écume et les vagues vertes du golfe de Finlande.
« Vientch », trempée jusqu’aux os, la gamine aux cheveux coiffés en une dizaine de courtes tresses essaie de couvrir le fracas de l’austère Baltique.
« Vientch », Nikita entend résonner en lui le mot magique de la petite Iassia, tout aussi sonore et salé qu’il y a des années.
« Vientch », et il sait que jamais, plus jamais, vraiment jamais plus, il ne l’entendra.
« Vientch », les vagues ne sont plus aussi hautes, et le bruit s’apaise. Iassia descend du tonneau, dérape et fait un plongeon dans l’eau. Nikita court vers elle, trébuche et tombe lui aussi. Ils rampent pour se rejoindre sur les galets qui glissent sous leurs pieds, sur la terre qui se dérobe sous leurs pieds, essoufflés, gais, tout égratignés. Ils se saisissent par les mains, et là une nouvelle vague de bonheur les frappe dans le dos, et ils tombent cette fois ensemble et prononcent « Vientch » d’une seule voix, à genoux au bord de la tempête domptée, à la lisière même de leur destin. »"


Alors clin d'oeil !...






dimanche 2 décembre 2012

Garder un chat, ça rapporte pas...

Spécial dédicace ce soir, cryptons cryptons... Bon déjà je suis grand-cousin, Jeanne est arrivée !! Ah ah mon doyen des amis, il va les faire les nuits blanches qu'il me refuse toujours ! Alors sinon  il paraîtrait que je suis du genre à écouter du métal et de la J-pop (tout faux !), je suis bienveillant, et Seb Seb viens vite écouter comme elle parle bien d'amour !! Bon, on devait fumer plein de joints mais on en a eu juste un peu, mais on a bien ri (badaboum..."Oooh, t'es génial !"), on a marché dans le Bordeaux glacé, on s'est retrouvé au milieu de 20 inconnu(e)s et bien sur Roxane a braillé que j'étais le plus vieux de la soirée, on a bu, bu, bu, et puis plus bu, mais qu'est-ce qu'on a ri, on a beaucoup échangé avec Nantes, et puis retour en pleine nuit dans la nuit encore plus glaciale  en croisant tout un autre monde, symboliquement c'était bien, et puis au réveil c'est le retour à la réalité, on charge les carottes colorées et à bientôt, mais pourquoi ça s'arrête, tout ça ??



Sinon vendredi soir, malgré le froid polaire et sans savoir pour quelle raison je m'y rendais, jme suis traîné au St-Ex pour un concert ultra-pop, les caennais de Granville, un lieu où je traînais mes guêtres il y a trèèèèès longtemps: jolie chanteuse, c'est vraiment très très trop pop chanté en français, mais c'est marrant d'entendre une chanson sur Jersey, c'est bizarre d'être un peu endormi au milieu de tout ce public tout joyeux, et puis Granville, Caen, tout ça, ça fait revenir bien des jolis souvenirs dans le coeur, la rencontre avec le Zucco, le temps heureux de Mortain, Mamzelle Sophie, miss Fanny, Hélène qui manque tant, Aurélien le globe-trotter, et bien évidemment Chloé qui a eu droit à mes SMS de pleine nuit...Donc finalement ce petit concert, c'était pas une mauvaise idée...



Et au passage un très beau roman polonais (Ah la Pologne, moi je suis amoureux de Varsovie): L'art d'écosser les haricots de Wieslaw Mysliwski.
"Il m'est arrivé de marcher dans la rue encombrée d'une ville, fendant une foule de gens qui me bousculaient, je ne voyais pas grand-chose, ni les immeubles, ni les réclames, ni les vitrines, ni les voitures, même les visages passaient devant moi comme des éclairs, et soudain, au milieu de toute cette cohue, un visage se greffait dans ma mémoire pour y rester définitivement, mais pourquoi celui-là et pas un autre ? Vous savez, je porte en moi une multitude de ces visages nés d'un bref instant d'illumination. J'ignore à qui ils appartiennent, quand et comment je les ai vus, je ne sais absolument rien d'eux. Et pourtant ils vivent en moi. Leurs airs pensifs, leurs regards, leurs tristesses, leurs grimaces, leur amertume vivent en moi, fixés comme sur une photographie. A cette différence près que ce ne sont pas de simples photographies sur lesquelles une personne reste figée pour toujours...Au risque de ne plus se reconnaître elle-même des années plus tard. Elle a beau savoir qu'il s'agit bel et bien d'elle, elle a du mal à le croire. Non, sur les clichés de ma mémoire, y compris les clichés pris à la volée, tous les visages se couvrent de rides avec le temps, se creusent, ils ont les paupières qui tombent. Par exemple, quelqu'un qui avait de grands yeux se retrouve avec de petites fentes étroites. A celui qui souriait en dévoilant une jolie rangée de dents blanches, il ne reste plus que la bouche entrouverte. Pour être franc, il ne devrait même plus sourire. Prenons une belle femme dont l'éclat m'avait jadis frappé, eh bien avec le temps, je n'aurais plus aucune envie de la croiser. Oui, j'ai connu quelques belles femmes et je dois vous avouer que, chaque fois que leurs images remontent à ma mémoire, je me demande si les belles femmes ne devraient pas mourir prématurément.
Mais qui suis-je, moi, pour exercer un droit sur ces visages gravés par le plus grand des hasards dans ma mémoire et qui m'accompagnent partout, comme si ma vie était aussi la leur ? Je me sens tapissé de l'intérieur par leurs empreintes. j'essaie de les oublier, mais en vain. Et j'ai même l'impression qu'ils me demandent de ne jamais les oublier. Oh, comme il m'est difficile de vivre avec tous ces visages en moi, sans rien connaître d'eux."

Ultime hommage, tout défoncés on a trippé avec Seb sur Daphni, en se disant que quand on réécouterait ça plus tard ça ferait ptêtre pas pas le même effet. Eh ben on va tester !

mercredi 28 novembre 2012

Kantan et haïkus, fin de mercredi



La douce quiétude de rencontrer une petite histoire parfaitement accordée non à soi mais à l'atmosphère d'un moment. Il fait plutôt gris et frais mais pas seulement, je reviens de la belle exposition  Résonnance du silence de Jeannette  Leroy à la Base sous-marine pour l'occasion toute lumineuse, j'attends Sylvain le plombier rigolo qui s'acharne depuis trois jours sur mes tuyaux, Lights out Asia résonne dans le salon, et les nouvelles de Mariko Koike parachèvent l'ensemble. Je viens d'écouter Nine Antico chez la divine murmurante (enfin, en tout cas, elle crie pas), bien sur tout n'est pas à sa place, mais il y a dans ce recueil de nouvelles d'une jeune japonaise, Je suis déjà venue ici, pris au hasard,  l'écho moelleux quoique parfois violent sentimentalement d'un entre-deux incompréhensible mais accueillant. Des histoires que j'aurais bien vu dessinées par une Kiriko Nananan délaissant la jeunesse pour s'approcher des trentenaires et quarantenaires japonaise, qui vivent leurs désirs et leurs vies en toute liberté.
Et puis il y a cette nouvelle délicate et délicieuse, Kantan et haïkus, qui en vingt pages raconte la rencontre, enfin la deuxième, entre un vieil homme et une femme de 30 ans. croisés dans le train, ils se retrouvent dans un hôtel au loin, et vont simplement se parler un peu d'eux, surtout de lui, dans un bar. Et dans ces pages, où affleurent discrètement et tendrement les failles des vies vécues, cachées dans les années qui s'amoncellent, surgit finalement l'écho aérien de ce que peut être une journée comme ça: le regard derrière les vitres, les apparts en face, les pensées qui se bousculent, les sons et les souvenirs, les rêves et les gorgées de réalité. Je pense un peu à tous les gens que je connais, cette nouvelle m'enveloppe comme une douce couverture, et la fin de l'après-midi est là, ainsi, comme toujours. Mais finalement pas tout à fait. C'était ainsi, aux abords de cet aujourd'hui.






mardi 27 novembre 2012

Les mystères de l'est

Et hop, le voilà le film de mon année 2012, il était temps qu'il surgisse...



Bon, moi et les pays de l'est, c'est une vraie histoire d'amour toujours en cours (été 2013, je repasserai par là), et si pendant deux ans la Corée du Sud a squatté le génie cinématographique avant de s'écrouler comme un château de cartes, la Roumanie après une explosion inoubliable il y a quelques années (Ah La mort de Dante Lazarescu, Ah 12h08 à l'est de Bucarest, Ah la découverte des vieux Pintillé des années 70, Ah Califonia dreamin', Ah mardi après Noël...), a su malgré la désormais rareté nous envoyer des oeuvres  intenses et explosives.

Donc le choc...les 2h30 du nouveau film de Cristian Mungiu, Au-delà des collines, sont une déflagration comme je les espère toujours et les aime follement. Un système béni, si j'ose dire ici: le minimalisme pour atteindre à tous les maximums, soit là un monastère minuscule perdu dans la campagne, une fille qui surgit on ne sait pourquoi, et qui retrouve son amie-amante-aimée, on ne saura jamais trop, désormais recluse dans ce lieu fascinant, à rebours du monde et du temps présent. Des orthodoxes coupés de tout. Et la passion qui refait surface, car cette fille veut son amie, et ne peut plus l'avoir car celle-ci aime Dieu, dit-elle...
A partir de ce canevas qui aborde des thèmes qui m'indiffèrent - la foi - et qui me fascinent - les excès délirants de toute passion - se met en place un film au cordeau, où rien n'est neutre mais tout est intense. Pas de musique, deux actrices sublimes, une  toute petite communauté religieuse hallucinante, un pays, quand on le voit, en déréliction, et un choc des cultures qui là aussi quand on le voit, rarement mais à des moments clés, décuple l'étrangeté de ce monde religieux là.
Etouffant, explosif, repoussant toutes limites du raisonnable, magnétique, mille fois plus impressionnant que L'exorciste qu'il rejoue sur un mode réaliste, cet Au-delà des collines tient les propositions de son titre: aller au-delà, emporter dans des régions du coeur et de l'esprit que les films vus cette année accostent avec tiédeur pendant qu'ici tout est fiévreux. Plus ça avance, plus ça tourne en rond, plus ça se répète, plus je me recroquevillais dans mon fauteuil, pas par faiblesse, mais par dépassement: waouh, au moins, là, quand tout s'arrête, demeurent les énigmes et les effarements. Une bombe à retardements, qui pourtant explose à chaque minute. Je le redis: de mon petit point de vue, c'est le meilleur film de 2012. Et que respirent encore ces cinémas là, longtemps, longtemps...

Pas souvent , jamais même, que je mets du jazz...je crois que c'en est !




dimanche 25 novembre 2012

vendredi 23 novembre 2012

"...sauf toutes !!"

Alors j'ai mangé des huitres et bu plein d'alcools chez Agnès la reine de presque tout ("alors les mecs, une petite bière ??!!"), ai surveillé la porte pendant qu'elle arborait son couteau de bouchère, fumé des joints avec mon Seb puis sans mon Seb, écrit à mon Boris qui lose de plus en plus !!, attendu Morgane qui a préféré boire et boire et boire encore plutôt que venir fumer ( ya plus rien, bien fait pour toi !!), passé une semaine délicieuse avec mon ptit gars - on parle, on parle, et puis on a marché dans les rues, ce ptit voyou est allé seul voir enfin la jolie fleur qui veut plus me voir, on a fini de lire ensemble l'incroyable Timing de Kang Full et relire ça en sa compagnie c'est comme tout redécouvrir, revivre, j'ai trouvé nécessaire de crier toute mon admiration à la formidablement jolie dame de la radio, et Cyril n'en a rien manqué ! et puis c'est tout, mais c'est pas rien !



La bonne petite surprise de la semaine dernière, c'est ce concert de Dillon que j'avais donc gagné sans même savoir qui c'était ni même que j'avais joué. Ya quand même un peu de monde au I-boat, et si j'y suis allé un peu à reculons, et ai écouté poliment une Call me Kat en première partie pas très convaincante, je me suis dit que j'écouterai un peu Dillon avant de partir mais non, bonne pioche. une ambiance sombre toute calculée, on verra jamais le visage de la demoiselle, ça j'adore, une chanson qui doit faire la musique d'une pub vu que le public a approuvé le second titre (à bas la pub, définitivement), et donc un concert glacé mais très prenant, électro, dark mais où la voix cristalline de la jeune cachée fait merveille. Parfois ça s'emballe, parfois c'est tout fragile, et au final, eh bien je suis pas loin d'être amoureux de la mystérieuse incognita. Je me précipite sur les T-shirt à la fin, 25 euros ??!! bon ben non !!


Un passage au ciné, pour retrouver les Frères Taviani et je l'avoue, je pensais qu'ils étaient morts depuis quelques temps...mais non, à plus de 80 ans ils récupèrent un prix à Berlin, et livrent un film étrange, aride certes, ardu obligatoirement, mais original et resserré: César doit mourir, ou la mise en scène d'une pièce de Shakespeare par une troupe de prisonniers d'un secteur à haut risque d'une prison. On assiste donc au casting, répétitions puis pièce, fragmentée, sans jamais vraiment savoir où est le jeu, où est la vie, où est la pièce.  C'est donc souvent troublant, la ligne de partage entre leur vie supposée (passée) et celle des personnages de la pièce étant particulièrement mince. Pas le film de l'année, certes, mais une oeuvre vraiment à part, de la part de deux frères dont je n'aurais jamais imaginé allé voir un film en salle. Eternité inattendue.



Plus radical encore mais aux antipodes, le Saudade de Katsuya Tomita signe le retour inattendu d'un certain cinéma japonais qui me rappelle étrangement mes 25 ans: un film de près de 3 heures, tourné loin de Tokyo, dans une ville un peu perdue, suivant le quotidien d'ouvriers et les soirées hip-hop du coin, à grands coups de scènes réalistes comme prises sur le vif, construisant peu à peu une mosaïque débordant de souffles de vie: ah ben zut, yavait longtemps qu'un film asiatique - autant dire le cinéma du monde le plus intense - n'avait pas été aussi proche des gens et du pouls de la vie quotidienne. Avec en "prime" un tableau assez effrayant d'un racisme "ordinaire" tourné vers les émigrés brésiliens (j'avoue, je savais pas). Ca m'a rapellé cette lointaine époque où des films japonais surgissaient constamment sur nos écrans, qui se souvient de Okaeri par exemple ??!, je les voyais tous, d'un autre côté il n'y avait là nulle nostalgie mais bien un héritage. pas un regard en arrière, mais un bloc de cinéma tourné vers le présent, et donc lorgnant vers les demains. Asie, mon amour.

Quelques BD lues chez le Zucco pour finir. Je pleure toujours ma bibliothèque bordelaise fermée jusqu'à visiblement minimum mars (ah mais nooooon !) mais j'ai quand même pu lire l'excellent Hitler du décidément indispensable Shigeru Mizuki: après l'inoubliable Nonomba, l'effrayant Opération mort, voilà la biographie assez étonnante, aussi juste (quoique très incomplète) sauce manga du dictateur. On suit sa vie, tout est certifié conforme par l'historien Zucco (Boris ne lisant pas il n'a pas donné son avis ha ha ha !!) et c'est finalement une façon fort pertinente de "découvrir" cette époque et cette mégalomanie délirante. Avec en plus le style unique de Mizuki, qui bizarrement colle bien avec les situations follement effrayante du récit. 

J'ai jamais été un grand fan de Chabouté, toujours trop classique pour laisser affleurer de réelles émotions. Sa dernière oeuvre, Un peu de bois et d'acier,  est certes à part, car muette, l'histoire d'un banc et de ce qui se passe autour. Ca se lit tout seul, par petites touches c'est toute une vie qui se crée autour de ce banc, mais ça a aussi les limites habituelles du monsieur: c'est bien vu, attachant, mais voilà: rien de plus. Agréable, mais anecdotique.






Manu Larcenet poursuit son cycle Blast en partant dans toutes les directions. L'oeuvre est toujours aussi étonnante, mystérieuse, mais je sais pas lire des séries en cours, encore moins en parler. Les surprises thématiques et graphiques ne sont évidemment plus aussi présentes, mais soyons justes: il faudra attendre le cycle complet pour mesurer ce qui s'est joué là.







On finira sur un très sympa polar, enfin thriller plutôt je crois, chez les souvent excellents Sonatine (traduction: pris au hasard mais la collection assure souvent - et j'aime bien les collections). Bonne pioche là, avec le Blue Jay way de Fabrice colin, un habile mélange de Bret Easton Ellis (lieux, personnages) mâtiné d'un frenchy bon enfant plongé au milieu d'un Los Angeles richissime et décadent, un mystère à la sauce des serial killer introuvables type Ellory, et une construction habile avec des retours en arrière sur des événements n'ayant rien à voir avec l'histoire...jusqu'à ce qu'on comprenne. Ca se lit tout seul, ça inquiète, ça intrigue, et ça confirme que chez Sonatine, ya très souvent d'excellents polars, et celui-ci a été lu avec délectation. Et ça fait du bien !

Je dors debout en fin de semaine, alors autant planer debout avec l'électro IDM démesurément douce du génial polonais Pleq...beaux rêves, belles réalités...




mardi 20 novembre 2012

Expressway (to yr books)

Un titre spécial rock indé des nineties ! Revue en très grande vitesse de quelques bons bouquins lus récemment...

Mon premier roman taïwanais, ya un début à tout. Récit de lune de Guo Songfen est un court texte intimiste pour finalement laisser exploser une injustice sociale vers la fin. C'est certes dépaysant, et surtout cela fait étrangement écho au cinéma taïwanais que je suivais tant avant et qui a quelque peu, non totalement, disparu des écrans: c'est feutré, élégant, et pourtant ça progresse et attaque. Une histoire de couple pour dire la société. Jolie curiosité.





Le 14 de Jean Echenoz m'a plu, certes, mais ne m'a pas autant emballé que je l'imaginais. Alors oui son style fulgurant fait encore totalement mouche, car évoquer la guerre de 14 en 110 pages en disant presque tout, faut le faire. Mais après son génial cycle biographique, ses trois derniers romans, et alors qu'il se renouvelle - ici il fait la biographie d'un événement en quelque sorte - il n'y a pas eu pour moi la révélation. C'est tonique, génialement écrit, mais je me suis trop habitué. Pas bon pour moi, ça.




Ils ne sont pour rien dans mes larmes part d'une excellente idée (qui me ferait limite blêmir de jalousie si j'écrivais), demander à des gens le film qui a changé leur vie. Olivia Rosenthal se charge de la rédaction, et c'est là que le bât blesse: honnêtement, c'est écrit à la truelle, et ça appauvrit l'idée. C'est parfois touchant, parfois génial (la fin sur les parapluies de Cherbourg), mais souvent c'est trop peu écrit pour être à la hauteur du sujet.





La passion est mon premier roman irakien (ya un début à tout, c'est la semaine !), écrit par une femme, Alia Mamdouh,  et comme le dit la très jolie préface d'Hélène Cixous, aux antipodes de ce qu'on imaginerait bêtement: tout sauf un roman banal voire pleurnichard). Ultra stylisé, ultra construit, alternant des lettres puis des passages en stream of consciousness, c'est un roman hiéroglyphe, une histoire de passion aussi touffue et étrange que du Marguerite Duras, car s'il y a le schéma mari qui épouse une seconde femme, il n'y a là nul regard social ou religieux, mais bel et bien des regards de chair et de coeur. Le roman peut se lire comme un poème en prose sur les amours ravageurs et rageurs entre des êtres absolus. C'est hors-norme, débordant, opaque et libre, bigre, un roman sur l'amour comme ça, je l'ai pas vu venir.

Un roman ultra-original encore, autour du cinéma, Zéroville de Steve Erickson,  construit en courts paragraphes numérotés puis repartant vers zéro, raconte (enfin, plus ou moins) l'arrivée dans le monde du cinéma d'un candide pas naïf (je sais pas comment dire) affublé d'un tatouage de Montgomery Clift et Liz Taylor. Hors de tout réalisme, il rencontrera des allumés complets du milieu du cinéma, et passera l'essentiel du livre à disserter sur le cinéma et/ou la vie...constamment surprenant voire jouissif, multipliant les allusions délirantes et pourtant brillantes à l'histoire du cinéma, ce roman est une pure surprise tonique, absolument emballante. Je me suis régalé tout en n'étant jamais sur du sérieux de l'auteur, mais alors ça pétille, ça a un goût unique, même si la boisson reste difficilement identifiable !

On finit le coeur serré (ya des thèmes en ce moment qui m'amènent très vite aux larmes, les enfants qui grandissent c'est au centre) avec François Maspero et Des saisons au bord de la mer. Récit d'enfance, puis récit de l'enfance de sa fille, c'est doux et triste comme les regards sur les passés perdus. Poétique, humain, historique, nostalgique et pourtant jamais défaitiste, c'est une très belle évocation, parfaite en automne. Délicieuses évocations des joies temporaires de côtoyer une autre enfance, après la sienne. Et après ? Euh..."on rêve d'avant" ??




Et un peu de douceur pour finir, très bel album du très jeune Halls...



mercredi 14 novembre 2012

"J'ai couché ensemble avec personne !"

Aaaaahhhh...les soirées très arrosées dans les bars avec mon Seb, on peut pas dire que ça nous fait avancer dans nos objectifs, mais assurément parfois on y a le sens de la formule...c'est déjà ça ! Sinon en prime le retour de Dacha, le passage des toulousains amateurs de gâteaux arabes, vivement qu'on soit voisins, la semaine délicieuse avec ptit gars (vive Laku Laku !, vive les ruelles montpelliéraines et notre guide !),  dans la nouvelle Zuccoville, la rencontre déterminante et déjà inoubliable tant pour les rires que pour les émotions, avec le roi autoproclamé des losers (en plus il lit pas ha ha ha !), sieur Boris avec qui j'écumerais bien les bars  chaque semaine si on pouvait, un concert de Farewell poetry dans un canapé aux côtés des miss Morgane et Roxane (que ça a un peu endormi, ah ces jeunettes !), donc ce fut bien. Ben, et maintenant ?

Pas beaucoup de temps pour écrire aujourd'hui alors juste quelques livres alors que j'en ai plein à chroniquer...on finira plus tard.



La Corée cinématographique est comme morte après quelques années de bombes inoubliables ? La Corée des BD est un peu en stand-by, sauf du coté de quelques filles géniales ? Eh bien place au roman coréen, avec le déjà évoqué rapidement Kim Young-Ha qui signe avec L'empire des lumières un roman absolument génial, diablement prenant et vraiment puissant. En fait, tout s'y déroule en un seul jour, et même heure par heure: une journée commence dans une famille apparemment sans histoire de l'actuelle Séoul. On suit alternativement la fille de 14 ans, la mère, le père. Mais ce jour-là, tout va basculer pour le père, qui se révèle être un espion nord-coréen implanté depuis si longtemps dans le pays qu'il y a visiblement été oublié, jusque-là...Dès lors, cette journée se révèle être un catalyseur de destins, et un révélateur historique et identitaire. Ce ne sont pas seulement des vies qui vont se jouer-là, mais aussi l'Histoire de deux pays qui avant n'en faisaient qu'un seul. 
Pfiou, thriller psychologique ? Roman d'espionnage ? Tragédie ? Tout y passe, et si tout se lit très aisément, l'ampleur de ce qui se construit peu à peu donne le vertige: on frémit, on s'interroge, on s'inquiète, parfois même on sourit, et jusqu'à la dernière page, la tension est plus que palpable. Un vrai roman total, passionnant de bout en bout.



Boston Teran, deuxième. Après le trèèèèès noir Satan dans le désert, voici le trèèèèès noir Trois femmes, terrifiant roman -noir-thriller-portrait-récit d'une époque, des années 50 à 70, à travers l'histoire de trois femmes, une mère, sa fille sourde, et une amie rencontrée par hasard, face aux hommes, à la violence, à la stupidité, aux dangers. Il faut avoir le coeur au moins aussi bien accroché que le leur, car ici peu d'espoir, certes la vaillance règne, mais pour aboutir parfois à une "défaite" involontaire terrifiante. plongée dans le monde du deal, la misère du Bronx, les éclairs lumineux de l'amour et de l'art grâce à la photographie, bréviaire d'entraide et de lutte, ce roman glace et réconforte, et à nouveau se lit d'une traite. Je ne sais toujours pas qui est ce Boston Teran, mais son univers est vraiment marquant.


On finit sur un genre que je ne lis jamais, le journal intime, celui de l'écrivain disons marseillais René Frégni, qui avec La fiancée des corbeaux m'a ébloui par sa poésie simple, son observation des gens et des lieux, sa mélancolie douce-amère, et son amour pour les petits riens qui se révèlent de grand quelque chose. C'est étrange et doux de suivre ainsi des bribes de vie de quelqu'un, qui voit s'éloigner quelques parcelles de son passé, celles d'un père dont les filles ont grandi, celles d'un homme dont les amours sont au loin (ou tout proches), celles d'un villageois qui voit partir ses voisins très âgés. Un an dans une vie, mais des traces partout dans le coeur. Très belle oeuvre, apparemment il a publié d'autres journaux, je vais aller chercher tout ça au plus vite. Parfait pour l'hiver.
 
Pour finir un morceau qui s'avère une jolie surprise: hier j'ai reçu un mail m'annonçant que j'ai gagné une place pour le concert de Dillon. Ah bon ? Aucun souvenir d'avoir joué, j'ignore totalement qui est cette Dillon, mais c'est pas grave: j'y serai !





jeudi 1 novembre 2012

"...like antennas to heaven"




Pour moi qui ai vu des centaines de concerts, mais rarement pour la musique, et qui pensais que Godpseed you black emperor! ferait partie des groupes que je ne verrai jamais, ce fut un grand soir !
Il y a trois jours, je montrais à Seb les disques du label Constellation, toute une petite collection achetée il y a bien longtemps, mais reconnaissable entre mille avec ses pochettes en cartons légers, ses graphismes atypiques, ses titres hallucinants. C'était un autre temps, déjà loin, celui d'avant internet, où une certaine idée de l'indépendance avait encore lieu, parfois. Aucune nostalgie, oh là non, juste un regard vers des démarches plus trop possibles aujourd'hui, celles un peu secrètes.
Et puis Godpseed you black emperor! c'est, chez moi, une exception dans les probables deux ou trois mille disques que j'ai: le seul acheté parce qu'un jour, entrant dans la FNAC (du temps où ils vendaient vraiment des disques, c'était donc il y a treize ans, je ne peux plus y mettre les pieds aujourd'hui) pour fouiner j'entends une musique incroyable qui passe, je demande ce que c'est, et aussitôt j'achète. C'était leur incroyable deuxième (double) album, Levez vos skinny fists like antennas to heaven. Quatre morceaux de vingt minutes chacun, qui portait le post-rock que je découvrais vaguement au plus loin. Depuis, j'ai récupéré tous les disques de post-rock que j'ai vu passer: aucun n'atteint leurs excès. Le seul qui s'en rapproche, par la radicalité mais sans l'épopée folle, reste l'unique album (je crois) des excellents australiens This is your captain speaking.
Suivra leur dernier album. Puis le groupe s'arrête, multipliant les projets parallèles que je suis assez souvent, et poursuivant l'aventure pourtant fort improbable sur le papier de leur label Constellation.
Et puis il y a un mois, stupeur: après dix ans de silence, le groupe sort un album !! Ouh là, moi les reformations, ça me désole et me laisse de marbre, elles se multiplient ces dernières années et je les fuis. Mais là immédiatement je prends le disque, sceptique, que va-t-il rester de ce temps là, dix ans en musique c'est mille ans en émotions et changements. Bilan: deux morceaux telluriques de vingt minutes qui renvoient tous les groupes de post-rock à la cour de récréation, Mogwaï en tête. Godspeed reste godspeed: ailleurs, inexorablement. Pas de comparaisons possibles: un ailleurs, et rien n'est possible entre.
Alors quand ils font deux dates en France et que la deuxième est ici à Bordeaux, je n'hésite pas, et zou c'est parti pour voir ce que c'est un concert de Godspeed.



Bilan: ben je crois que j'avais jamais vu ça. Non pas qu'ils inventent tout, j'imagine que plein de groupes dont j'ignore l'existence ont fait ou font ça: mais c'est leur radicalisme absolu dans chaque détail qui me fascine, et me rassure: oui, l'indépendance, qui occupe ma vie de spectateur à temps plein depuis vingt ans, existe encore, et a du sens.
Ainsi, ils arrivent un après l'autre, pas du tout en effet de attention voilà le groupe un par un: non, ils passent sur scène sans qu'on sache si c'est eux ou des roadies, installant leur instrument, repartant, très nonchalamment: ils (se) préparent. Habillés comme tout un chacun, ouf pas de tenue de scène, des jeans et des t-shirt passe partout. D'ailleurs, je réalise là que je n'ai jamais vu leur tête, mis à part Efrim déjà vu en concert avec A silver mount Zion. Je crois me souvenir qu'avant ils refusaient toute photo, et effectivement pour un groupe idolatré, je ne connais aucune tête, et ils sont huit.
Ensuite, la moitié du groupe est sur de simples chaises, un des deux batteurs est derrière caché par les amplis, et summum de ma joie: un des guitaristes s'asseoit dos au public. Là encore nulle provoc, nulle ostentation: ils forment comme un cercle, mais surtout, et c'est ça qui me plaît, ils sont tournés uniquement vers leur musique, ou plutôt vers la musique. Aucun bonjour, de toute façon il n'y a pas de micro, aucun signe de la main, ils viennent petit à petit, et s'accrochent à leurs instruments. Et encore un détail qui me ravit: la scène n'est presque pas éclairée, et ne le sera jamais, donc on distingue à peine leur visage. Bien sur le groupe est là, mais il y a bien plus important: la musique. C'est austère, voire strict: moi je vois ça comme une pure offrande: nul besoin de parler, de dire trois conneries applaudies bêtement: on s'installe, et on va jouer de la musique. 
Dix premières minutes forcément rudes, des sons qui se marient plus ou moins, et c'est parti ensuite: l'épopée, terme tellement galvaudé pour eux, peut commencer: des morceaux énormes, concentrés d'explosions, une vingtaine de minutes à chaque fois, des chevauchées fantastiques comme j'en avais jamais entendu. Qui laissent tout le monde dans un silence total. Les gens applaudissent mais à aucun moment le groupe ne montrera qu'il réalise qu'il joue devant des gens. pas de pause, juuste des baisses d'amplification. Et à chaque fois ça repart, dans un calme presque terrifiant, assis, debout mais sans quasiment bouger, ces sept hommes et cette femme remuent la terre, balancent des magmas, reviennent aux arcanes de la musique, et nous on est là, en face.
Et c'est au bout d'un moment que j'ai commencé à entrevoir une lueur, faible, de compréhension. En fait, personne dans le public ne savait trop comment réagir: certains agitaient la tête en suivant la batterie, certes, mais ils étaient minoritaires, très, et la salle était comble. Les gens observaient, écoutaient, mais il faut bien faire le constat suivant: cette musique est autre, échappe à nos habitudes de spectateur, et du coup devient une expérience presque terrifiante. On ne sait pas ce qu'il faut faire pendant qu'on écoute cette musique là. Parfois, quand soudain ils emballaient à nouveau l'apocalypse alors que je pensais qu'on était déjà allés au bout, je souriais, mais c'était pas du plaisir: juste de la sidération, juste un doute : il se passe quoi, là ? 
Ca a duré deux heures, totales, bien trop uniques pour savoir ensuite si c'était bien ou pas. La question paraît même hors-sujet complet. Aucun rappel évidemment (ç'aurait été indécent). A peine dehors, je vois que certains du groupe sont déjà là aussi, évidemment ils vont pas se cacher dans les loges, eux. Je les revois partant peu à peu de la scène, ils ont tous fait, je crois, un micro geste vers le public, un quart de seconde, une main vaguement levée, comme pour dire eh bien voilà, c'était de la musique qui est passée par nous, vers vous, mais vous et nous étions secondaires: c'était les explosions, partout, qui sont passées de là-bas à ici qui resteront. J'en avais le souffle coupé.
Je crois que je passe une grande partie de ma vie à aller voir des concerts pour attraper, enfin, un jour, l'impalpable qui traverse l'air quand des notes partent de la scène pour se diriger vers les corps et cerveaux des spectateurs, et plus encore des spectatrices qui sont ce qu'il y a de plus beau dans la pénombre d'une salle de concert. Là, avec Godspeed you black emperor!, c'était facile de palper cet immatériel, tant leur son est puissant. mais ils étaient comme effacés de la scène, et le public était dissous. Ne sera restée que leur musique, leur radicalité. J'aurais pas été là pour tout comprendre, une fois de plus.

Je vais évidemment pas mettre un "clip" d'eux, là aussi ce serait indécent. On va reposer les oreilles et l'âme avec un morceau du très doux et très beau nouvel album de Geg Haines...