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jeudi 31 janvier 2013

"On ne vieillit pas forcément proportionnellement au temps qui passe"




C'est un relativement court roman écrit par une coréenne: c'est donc immédiatement une attirance.
 Cendres et rouge, de Hye-Young Pyun, cela s'appelle.
C'est un roman centré sur un homme: j'aime leur regard, aux filles, sur les garçons, dans les livres.
Et puis, oh...c'est un roman qui devient très opaque dès le début: un pays non-nommé, C., une écriture un peu dure, qui râpe, parce que très vite on est jeté dans on ne sait quoi. 
Et je me suis demandé si je passerai les trente premières pages, parce que je voulais une vision sentimentale, et j'avais pas du tout ça.
Un homme débarque à C., pour un nouveau travail, dont il ne sait pas grand chose. Il est surveillé aussitôt, parce que tout le pays est surveillé, il y a une épidémie d'on ne sait quoi. Science-fiction ? Non, mais légère anticipation, ou grossissement. Cet homme est seul, il erre, trouve son appartement, ne parle presque pas la langue de ce mystérieux pays.
Il contacte son futur employeur, il tente, mais peine perdue, un dédale de réseaux sans repère. Juste le nom de quelqu'un, nom commun là-bas, trop pour être trouvé.
Alors ? Kafka ? Autre monde ? Je suis sceptique, un peu perdu.
Et puis le passé de cet homme surgit, car, seul et perdu, notre passé est toujours, absolument,
Et c'est un autre homme, le même bien sur, mais autre, qui se révèle. Et l'opacité grandit. 
Et la fascination surgit.
Qui est cet homme ? Quel est ce monde ? Où va cette histoire ?
Car des méandres, on en suivra. Car des pistes, il s'en présentera.
Car de l'ampleur, il en neigera.
Et peu à peu, c'est un, non, plusieurs aimants qui me scotchent à ce livre. Car finalement, un livre comme ça, j'en ai croisé peu. 
Donc une fille qui écrit ainsi, j'en ai croisé toujours trop peu.
Alors bien sur, un peu d'amour (comme cet après-midi quand je la vis, la jolie dame - oui je dirais jolie dame - à qui je demandais un peu d'aide, elle a fait plus que m'aider...).
Et puis surtout, un torrent d'yeux brillants.
Ce livre-là, j'ai appris à l'aimer, et ça, j'aime.
Donc une fois de plus est venu de Corée une forme d'essentiel. Ma plus jolie surprise littéraire de ces derniers temps. 
Boum boum susurre mon ptit coeur...


Concert magique hier soir de la vieille légende Howe Gelb (l'avait bien raison le sieur Alban !) j'en reparle bientôt, quelle classe lui...

dimanche 27 janvier 2013

Hier les chiens

Pfiou jsuis allé au cinéma mais j'en parlerai pas là, fait une soirée avec Seb pile le soir avant de me lever bien trop tôt, ai bien ri au téléphone avec Pascal, ai bien aimé que Madame Myriam elle me dise qu'elle est allée faire un tour au cabaret des nues (bienvenue !!), ai bien écrit des SMS avec Cyril (qui à Paris est un peu mon manager !) qui m'envoie en photo les livres que je vais lire (!!), Morgane ressurgit juste au moment ultime et va me faire travailler un dimanche (hé ho !), j'ai parlé à une jolie inconnue dans la rue qui a suivi direct mes conseils cinéma (la prochaine fois, je propose de m'épouser si ça marche si bien !), et en prime hier matin j'ai regardé le soleil se lever tout en fumant un joint, et ça mine de rien c'est classe pour commencer un week-end !!



Trop de livres à évoquer, je vais pas parler de tout aujourd'hui. On commence avec une nouvelle déflagration japonaise (et vu ce qu'il y a sur mes étagères c'est pas parti pour s'arrêter), l'incroyable Alors Belka tu n'aboies plus ? d'Hideo Fukurawa . Bon déjà le titre m'a valu une avalanche de SMS géniaux de Zucco au boulot (8 dès le lundi matin si je me souviens bien), mais surtout ce "roman" ébouriffant revisite l'histoire mondiale de 1940 à aujourd'hui à travers l'existence, le regard et l'utilisation des...chiens !! Oui oui, avec arbre généalogique au début, et plusieurs Wooof parsemant le texte !! Un peu sceptique au début, mais très vite emporté au bout de dix pages (début génial sur une île comme perdue), on se laisse sidérer par l'ampleur donné à un thème si ténu en apparence, avec en prime une construction habile, double, alternant passé et présent, les deux allant jusqu'à s'entrecroiser. Et donc on revisite la Seconde guerre mondiale, le Vietnam, la guerre froide, la conquête spatiale, la guerre en Afghanistan, la chute du communisme, et j'en passe, d'abord avec une écriture souvent drôle et fulgurante qui pour autant n'élude rien (de la géopolitique rigolote, fallait le faire !), et surtout vu sous l'angle du rôle des chiens dans tout ça. Le pire / le mieux: impossible de savoir (mis à part l'épisode Laïka) si tout cela est vrai ou pas...et ça a l'air tellement vrai !! L'auteur se dit influencé par Murakami le grand, et signe là un exemple absolu de coup de maître: il ne copie en rien son modèle, il poursuit dans un tout autre ailleurs les possibles offerts. Roman totalement à part, impressionnant !


On reste au Japon mais avec un auteur écossais qui va probablement revenir souvent dans ces pages: Kenneth White, grand voyageur qui a construit apparemment une oeuvre tout entière tournée vers la dissolution des frontières et une géopoésie d'ouverture vers l'autre. Bref, un vrai voyageur, qui dans Les cygnes sauvages "raconte", plutôt évoque ou poétise l'un de ses voyages au Japon. Des rencontres, des traversées de lieux éblouissants, des Haïkus, des évocations de poètes dont j'ignorais tout (mazette quelle culture !), et une forme de quête constante: être là-bas, vraiment: comme une fusion avec ce lointain. Un livre qui lui aussi efface toute frontière de genres, pour une découverte majeure: je crois bien que je vais continuer à parcourir les mondes avec ce monsieurs, moi !



J'ai déjà évoqué il y a peu Akira Yoshimura, c'est peu dire que ma première impression est confirmée voire décuplée par la lecture du Convoi de l'eau, un récit d'une étrange beauté, celui d'une expédition d'ouvriers envoyée au fin fonds d'une vallée du Japon, qui y "rencontre" (de loin) un hameau ne figurant sur aucune carte. Or c'est pour des travaux que ces ouvriers sont là. Et le tout est vu et raconté par un narrateur très mystérieux, un homme sorti de prison, ayant tué sa femme, ne voyant plus ses enfants, et cette expédition devient l'occasion de confronter ce passé trouble à ce présent et ce futur tout aussi troubles. Personnage opaque mais follement humain, paysages insensés, regard sur la modernité, ce court récit impossible à lâcher est à nouveau la preuve que ce Yoshimura est l'un des écrivains japonais les plus troubles, et troublants, qu'il me soit donné de lire: j'en veux d'autres !! (cool: yen a d'autres)



On finira en Corée du Sud une fois de plus - et on va y revenir très vite - avec un recueil de nouvelles qui tombe à pic: Séoul, vite, vite, ou 8 auteurs contemporains (dont beaucoup de femmes) qui offrent une nouvelle, et c'est clair, mis à part une qui m'a vite lassé, la qualité et la diversité sont au rendez-vous: histoires drôles, farfelues, touchantes voire bouleversantes, c'est une fois encore l'occasion de se dire qu'après le cinéma, puis la BD, la Corée est bien une terra incognita qui se révèle terre promise. On ressort de ce recueil comme je ressortais des innombrables films coréens que je voyais inlassablement il y a trois ans environ: avec l'impression enivrante que rien ne s'arrête jamais, que rien ne se répète non plus: que les devants sont toujours des sourires.

C'est dimanche, alors pop douce qui parfois s'envole tout là-haut avec des cordes célestes: cool ! David Bartholomé...


mercredi 23 janvier 2013

Dans cette chanson, il y a ta main parcourant la mienne

Ah ! La musique... c'est vraiment toutes nos mémoires et la fugacité qui éclatent en définitifs présents revenus comme jamais, radieux...dans cette chanson, j'ai entendu, et surtout retouché doucement, la main de cette fille...personne d'autre que moi et elle n'était là, c'était le 8 août 2012...inoublié.



mardi 15 janvier 2013

L'un sans l'autre...



Mince, mince, mince, JB Pontalis, pour qui j'ai souvent clamé mon admiration sans bornes dans mes différents blogs, vient de filer ailleurs...Quand j'étais jeune, j'avais dit que lire ses livres c'était lire de la lumière (et une fille avait répondu "oh c'est beau" !). Il était pour moi l'un des très très rare qui, lorsque je côtoyais son oeuvre, m'offrait quelque chose des plus précieux: des possibles. Il n'y en a pas et plus beaucoup comme ça autour de moi. Vivement la psychothérapie d'un indien des plaines...

dimanche 13 janvier 2013

"Ces 1001 choses qui remplissent une vie, et ne représentent plus rien par la suite"

Et on continue à se promener des les eaux troubles des polars et de l'Asie en ce moment...une pensée pour Zucco, grand architecte des projets délirants !



Honneur à la Chine cette fois avec une traque de serial killer offerte par Feng Hua avec le très réussi Seul demeure son parfum: tous les ingrédients sont là, le machiavélisme, l'identité probablement connue par le lecteur, et l'impossibilité de trouver la faille, avant que par quelques détails on commence à entrevoir un mince espoir...Mais en prime, une construction très habile, des personnages complexes et intrigants, des lieux et une société qui change de l'éternelle Amérique, une écriture fluide et prenante: bigre, mais ça voudrait que n'importe quel livre édité par Philippe Picquier serait une réussite totale ? En tout cas, une lecture de plus après laquelle seul demeure le plaisir.


 Restons en Asie mais filons au japon pour un pur roman à énigme qui m'a ravi lui aussi, Le dévouement du suspect X de Keigo Ishigano. Une jeune femme harcelée par son ex-mari violent le tue avec l'aide de sa fille, et son voisin, un mathématicien âgé à la vie aussi rangée qu'une équation à aucune inconnue, visiblement amoureux d'elle, lui propose subitement son aide ! Il a un plan, et hop ellipse, et en avant pour l'enquête ! Donc nous devant ça, on sait que quelque chose a été fait, on ignore quoi, et on suit les policiers et un physicien qui a connu le voisin plus jeune chercher...ce qu'on ignore. Un jeu d'échecs donc, sans qu'on connaisse le plateau: eh bien c'est plus que plaisant, c'est bourré de mystères et de suspense, c'est habile, la dimension logico-mathématique de l'enquête et du plan du "meurtrier" m'a conquis, et on suit donc ça avec le ravissement de la manipulation consentie.



Un détour par l'Amérique et mes chères éditions Sonatine pour une plongée dans le milieu du cinéma des années 50, inspiré apparemment d'un fait divers réel jamais résolu (James Ellroy où te caches-tu ?!): Absente de Megan Abbott nous emmène dans les bas-fonds du cinéma, on croise des acteurs connus, des réalisateurs, mais aussi la mafia, les bars et boites glauques et dangereux, et un journaliste de bas-étage devenu agent de cinéma qui deux ans après se voit confronté au souvenir d'un soir où il était présent, le soir où une actrice de très bas-étage a mystérieusement disparu: c'est là que démarre son enquête, plus proche du roman noir que du polar, et j'avoue, cette plongée dans cette ambiance à nulle autre pareille certes n'est pas d'une originalité, mais là encore se dévore et se savoure sans fin...sauf justement à la toute fin, qui surgit un peu de nulle part, mais bon, après tout, un roman peut bien parfois corriger un peu la réalité qui elle est restée mystérieuse...


Deux curiosités pour finir, le court roman de Koike Mariko (dont j'avais beaucoup aimé les nouvelles il y a quelques temps) Le chat dans le cercueil nous entraîne dans les souvenirs d'une peintre âgée, réveillés par la vision d'un chat...lorsqu'elle s'occupait de la fille d'un veuf, une bien étrange histoire commença autour du chat de la petite fille, inséparable compagnon. Etrange histoire de famille, pas toujours convaincante, mais où fleure bon les mystères et les ténèbres des huis-clos, cette maison proche d'un grand champs que recouvre parfois la neige...




Dépaysement encore avec mon premier polar...uruguayen: Trois vautours de Henry Tujillo !! Là encore un court roman noir noir noir, aux confins de la Bolivie, l'Argentine et l'Uruguay, une histoire située dans des no man's land bien perdus, de revente de voiture puis de relations troubles et dangereuses. Pas totalement réussi au niveau de l'intrigue, ce roman par contre dévoile des confins qui sont de redoutables décors de romans noirs.





On terminera avec une sorte de fable japonaise sidérante, le très court mais stupéfiant La jeune fille suppliciée sur l'étagère d'Akira Yoshimura, ou le récit de la vie d'une jeune fille...après sa mort ! Mais attention, pas un au-delà, non non, on est au Japon donc rien ne s'y fait comme ailleurs: la jeune fille raconte sur le ton le plus normal qui soit ce qui se passe vraiment pour son corps, emmené à l'hôpital pour une autopsie puis un don d'organe: donc on la suit partout, regardant ses parents quand on vient "la" chercher, observant les rues dans la voiture, se faisant disons euh..;découper et pas qu'un peu, ressentant certaines gênes devant ces médecins confrontés à sa peau (et ses viscères !!), et on continuera ainsi jusqu'à l'urne, voire plus !! Un récit époustouflant uniquement par son point de vue, un tableau hallucinant du Japon et de la famille, par un auteur des années 70 dont j'ignorais l'existence mais qui a écrit plusieurs romans, je vais aller vite vite voir un peu ce qu'il en est des autres. Choc !!

Pas de concerts à l'horizon en ce moment, c'est pas du jeu, dans deux mois ya les belges de Balthazar qui résonnent bien dans mon salon...



samedi 12 janvier 2013

"Mais c'est une brique votre coeur. Oui, mais il ne bat que pour vous"

Et après une soirée de vrais délires hier soir,partie de rien, passant vite fait sur la lune, y restant boire, y rencontrant le frère de Frédérique dont j'entends parler depuis plus de 20 ans, y parlant avec plein de gens, finissant avec Dame Agnès l'indestructible, et tombant à 2h du matin sur Morgane rentrant de sa soirée pour finalement "L'heure du thé" bien tardive: des vendredi soir comme ça, j'en redemande.



Alors dans la somnolence du samedi, je tombe sur une BD incroyable, moi qui en lis si peu désormais que la bibli est toujours en travaux: eh bien tous à genoux devant le sidérant "Oui mais il ne bat que pour vous" d'Isabelle Pralong, une pure BD de fille (pour vous les filles !), de sentiments (pour vous les humains !), de couple (pour toi Boris !!), d'inventions graphiques (pour toi mon Zucco inventeur de situations à venir géniales !), de recherche de soi (pour toi Seb, faut trouver un singe !), c''est chez l'Association (pour toi mon Fréon qui m'a si gentiment appelé hier !), et c'est ce que j'ai lu de plus novateur en BD depuis bien longtemps. Une BD qui est à la fois chronique d'un couple, de deux soeurs, d'une famille, d'une fille et de ses questionnements, mais aussi contenant des échappées oniriques et intrigantes dans la psyché féminine, une mine de métaphores pleine d'énigmes et de découvertes, un récit sur la filiation et la transmission, un bréviaire de la perte, et surtout, presque toujours, une oscillation rare entre sérieux, drôlerie et poésie. Tout ça en un volume ?? Mais oui, et encore j'ai pas parlé de tout !  Bref: un livre hors-catégorie, déjà au plus haut de cette année qui débute seulement.

"-Tu me reconnais ?
- Je suis si heureux de te voir ! J'ai tout de suite su que c'était toi, ton pas, ton souffle, ils n'ont pas changé.
- Je suis plus vieille que toi maintenant.
- Viens t'asseoir tout près. Qu'on se réapprivoise après toutes ces années. 
- Tu me donnes la main ? La paume de mes mains mon dos mes genoux se souviennent encore mieux de toi que ma mémoire. A force de me porter dans tes bras pour me montrer, me consoler, me faire danser, faire la bagarre, me faire grandir. Tu vois, là, sous mes bras, j'ai tes épaules en creux. Comme plein de petits moulages. Des petits vides. Plein de manques. J'ai grandi tout autour, tes empreintes sont restées. Indemnes. Dernièrement j'ai croisé quelqu'un dont la voix s'est coulée exactement dans la trace de la tienne. C'était pas la voix pour les trucs de tous les jours, c'était l'autre, la silencieuse, celle de tout derrière, la toute nue. Celle de quand tu chantais au piano. C'était si doux. Je ne sais pas si je vais arriver à repartir.
- Mais si tu vas y aller. Quand tu étais ma petite soeur tes pieds ne touchaient pas terre. Décolle tes pieds."

Et on s'achève bouche béé devant la fée folk Orion Rigel Dommisee...