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samedi 27 avril 2013

J'ai encore lu quelques BD...

Comment j'ai pu tenir un an sans les BD de la bibliothèque ??!!

BD choc pour commencer, celle de l'auteur iranien Mana Meyestani intitulée Une métamorphose iranienne. Une BD autobiographique sur une situation hallucinante: l'auteur, dessinateur pour enfants dans un journal, déclenche à son corps absolument défendant des émeutes avec une minorité du pays, qui finiront en multiples manifestations puis à des morts, suite à une case anodine où un cafard dit un mot dans la langue de cette minorité. Donc: cette minorité est assimilée publiquement à un cafard...A partir de là, une situation horriblement kafkaïenne se met en place, emprisonnement, interrogatoires délirants, tortures, émeutes, problème politique, libération, tentative de fuite, etc..;Cette BD est ébouriffante, tant par la situation désespérément vraie qu'elle raconte, que par la mise en place graphique du récit. Une pure BD donc, mais alors démentiellement réaliste...Incroyable.



BD autrichienne pour continuer, un délire délicieux, Miller & Pynchon, de Leopold Maurer, ou les "aventures" de deux géomètres qui doivent tracer une marque de démarcation, accompagnés parfois d'un crocodile des égoûts (si si)...humour pince-sans-rire, situations vraiment drôles et surréalistes (jusqu'à la mort de la femme écrasée par un fromage géant), réflexion philosophique, cette BD joue et triomphe sur plusieurs registres et enchante absolument le temps de sa lecture.


 
Et un chef-d'oeuvre coréen, encore un ! Quitter la ville de Kim Su-Bak est la chronique autobiographique et sociale de l'auteur, dessinateur de manhwa galérant constamment, et devant travailler comme ouvrier, avant de quitter Séoul à l'invitation d'un ancien ami exilé dans la campagne. Le voyage en train est l'occasion de refaire le chemin parcouru jusque-là, et de nous délivrer une chronique sociale et humaine passionnante, auscultant autant un pays qu'une vie d'homme non-triomphant. Et c'est excellent, pétri de digressions et d'épaisseurs, ça croise les vies et le monde, les amours et la famille, la boulot et la recherche d'autre chose: une vie, donc, mais à la coréenne, c'est-à-dire aussitôt fascinante même dans son apparente "médiocrité". Vivement la suite et la fin. Enorme.



Little Joséphine de Valérie Leullieu et Raphael Serfati est le récit diablement attachant et émouvant de la rencontre entre une infirmière à domicile et Joséphine, vieille dame délabrée par la maladie d'Alzheimer. Mais derrière cette façade peu drôle, va se dévoiler un récit brillamment inventif graphiquement, très humain, socialement engagé, et finalement très émouvant. De l'art de renouveler un classique ds romans graphiques, l'expérience professionnelle et humaine illustrée.






Du pur délire que Love is in the air guitare,  de Yann  Le Quellec et Damien Rouzeau,  histoire autour d'un jeune loser de vingt ans amoureux de sa voisine, qui va rencontrer un gourou et une communauté...d'air guitare !! Et cela va changer sa vie !! Et si vraiment cette lecture est légère et vite oubliable, on rigole vraiment beaucoup devant les délires liés à cette pratique. Totalement utile, mais fort distrayant !






Dans les sables mouvants de Rosalind B. Penfold est le récit autobiographique du naufrage d'une histoire d'amour sombrant dans la violence masculine conjugale. On pense évidemment à l'excellent A la folie..mais avec une dimension personnelle plus présente, et une inventivité graphique aussi pertinente que glaçante. Une lecture éprouvante mais nécessaire.








Marcinelle 1956 de Sergio Salma est en apparence la chronique sociale d'une explosion dans une mine belge où travaillent de nombreux italiens (histoire vraie), mais c'est doublé d'une histoire familiale et amoureuse qui occupe la majeure partie du livre. Cette dimension inattendue, humaine, apporte une épaisseur intéressante à la chronique historique.







Dans l'ombre de Charonne d'Alain et Désirée Frappier est le témoignage d'une vieille dame qui s'est retrouvée dans ce sinistre épisode de l'histoire. Mais si le thème est bien sûr essentiel, la BD en elle-même tient plus du cours d'histoire que du récit graphique. 

Plus intéressant et autour d'une question proche, Retour à St-Laurent-des-Arabes de Daniel Blancou est le témoignage des parents de l'auteur, instituteurs envoyés sans comprendre dans un camps de Harkis à la fin des années 60. Et à travers leur récit, c'est toute une société et une époque qui surgit dans un microcosme, entre manipulation politique, conséquences effarantes d'une guerre qui ne veut pas se dire, et nouvelle situation sociale qui commence...banal en apparence, très réussie au final.





On finira sur une évocation drôle et attachante du Japon avec Tonoharu, de Lars Martinson où un jeune lecteur d'anglais découvre la société japonaise, l'expatriation, les coutumes et son incapacité à s'en sortir: un vrai petit délice, piquant, mignon, froid et distancié, mais plein d'humour et de curiosité.








Et enfin le Lisbonne des à ignorer définitivement et à jamais Dupuy et Berberian vaut le coup d'oeil pour mon ptit gars et moi, on y était il y a peu: des croquis de la ville et rien d'autre (en gros, on évite leur traditionnelle inanité), on a reconnu des endroits et c'est marrant ! Point !!





Le nouvel album de James Blake est une petite merveille, ce duo avec le roi du vieux Wu-Tang RZA vaut vraiment le détour: album de la semaine (avec tant d'autres !).


                               






Mes plus belles histoires d'amour c'est vous

S'il faut lire deux romans, non: textes, d'amour, c'est bien ces deux-là ! Mais comme il faut en lire bien plus, commençons par ces deux découvertes fondamentales.



Laissez-moi de Marcelle Sauvageot est une tornade d'intelligence et de sentiments, en un nombre minimal de pages: un livre comme on en croise peu, très peu, dans sa vie, et c'est une bonne nouvelle: l'extra-ordinaire se dissimule décidément partout. Donc Marcelle Sauvageot a écrit ce "texte" dans les années 30: une sorte de monologue adressé à son amant qui déclare lui "préférer" un mariage avec une autre. Marcelle Sauvageot est malade, part en cure, mourra juste après, et dissèque ici, mais au sens le plus archéologique, creuser sans fin pour enfin tout comprendre et expliquer, sur ce sentiment amoureux qui les unit. Et donc: ça brûle, ça luit, et tout bouge. Ce court texte est une déflagration d'amours, non pas romantique, elle ne crie nullement à l'aide reviens, mais elle dit ce que nous vivons tous et ne savons dire. On lit donc des mots comme de nous, des mots hors de tous les temps et de toutes les histoires, des mots d'une poétesse de l'intelligence, des mots déchirants mais jamais déchirés, car absolument construits et imbriqués. Visiblement ce joyau hors-normes est source de confidentialité depuis plus de 80 ans: eh bien la liaison secrète que j'ai vécu une heure avec lui se hisse aussitôt au rang précieux des inoubliables. Etres humains de toutes les planètes, lisez ceci, puis relisez-le, puis vivez...



Autre découverte majeure, un écrivain danois du début du XXème siècle (ou de la fin du XIXème ??), Hermann Bang avec le magnifique Mikaël, un roman éblouissant sur les amours tendus dans les filets de la passion ravageuse. Autour d'un vieux peintre et d'une petite communauté parisienne de la noblesse, quelques scènes qui s'étirent et s'entrechoquent pour que tout explose. Proustien en diable alors que Proust a pas encore écrit, mais par contre ancré dans le seul présent, car lorsque celui-ci bouscule tout passés et avenirs s'évanouissent, ce roman est réellement la deuxième déflagration de l'amour lue ces derniers temps. Un roman de la destruction, du doute, des oublis et surtout des élans, avec au coeur une société et l'obsession de la peinture: donc: une merveille d'une profondeur tellement vertigineuse qu'on a l'impression, face à cela, de vivre nous aussi une unique passion, comme elles le sont toutes...

Ya pas beaucoup de chansons qui peuvent se hisser au niveau de ces chefs-doeuvre...mais Pierre Lapointe, évidemment...


 

samedi 20 avril 2013

J'ai lu quelques BD...

...car la bibli a enfin réouvert ! Revue rapide j'ai pas trop de temps (car le temps reste électrique, bien chargé aussi, mais ô combien électrique !)

Nous n'irons pas voir Auschwitz de Jérémie Dres réussit à s'inscrire brillamment dans un genre bien balisé, le récit autobiographique se confrontant à l'histoire. Donc, un parisien, suite à la mort de sa grand-mère juive, décide d'aller avec son frère en Pologne, pour y chercher les traces de ce passé dont ils ignorent presque tout. Ils y rencontrent de nombreuses personnes, des jeunes, des rabbins, des responsables d'association, pour finalement voir que les traces sont certes ténus mais aussi existantes. Et puis petit bonheur pour moi, ils passent surtout par Varsovie mon adorée, et par plein d'endroits que j'y ai connus ! Ainsi c'est drôle, instructif, parfois passionnant, souvent troublant, et c'est ce que la BD contemporaine sait souvent bien faire: un écho de l'Histoire et des vies individuelles.

Valentin, d'Yves Pelletier et Pascal Girard, nous vient du Québec, alors c'est bien ! Plus sérieusement, une histoire de couple en apparence toute mignonne, naïve et colorée, avec un chat qui vient perturber le quotidien, et puis finalement c'est l'histoire de la remise en question d'un couple à travers ce chat: donc une alliance tout à fait réussie de quotidien, de douceur, de cruauté, de doutes et d'espoirs, de remise en question, une BD en prise avec la vie dans ce qu'elle a de plus quotidien et de plus romanesque, avec en prime un chat vraiment rigolo !





Nankin de Nicolas Meylaender et Zong Kai revisite crument cet épisode terrifiant de l'histoire chinoise, à travers l'enquête d'un avocat qui recherche les derniers témoins, vieux et peu nombreux, de ce moment. Dans un coloris assez particulier, fond rouge et peu de couleurs, ce sont toutes les horreurs de la guerre qui surgissent, et si on n'est pas chez maître Joe Sacco, cette BD s'avère quand même essentielle.



Les amandes vertes de Delphine et Anaelle Hermans raconte le voyage en Palestine et Israël de la soeur de la dessinatrice, et leurs regards qui se croisent sur ces réalités, tant politiques que quotidiennes voire simplement humaines. Moins profond que la première BD dont je parlais, c'est à nouveau un regard sur le monde  à travers le prisme des yeux d'ailleurs.







La bonne surprise vient du Pablo de Clément Oubrerie et Julie Birmant , BD qui avait l'air bien trop traditionnelle pour m'intéresser, et qui s'avère être une vraie réussite: elle évoque dans ces deux premiers tomes les vingt ans de Picasso, lorsqu'il n'est encore pas vraiment un peintre reconnu, pas du tout même, ses années de bohème et ses rencontres géniales avec certaines femmes, puis Max Jacob, puis Apollinaire...et vraiment l'atmosphère de ce début de siècle (1904 je crois) est subtilement rendue, loin des clichées et des lourdeurs de la biographie dessinnée: pétillant, drôle, intéressant, ces deux premiers tomes furent un régal !




L'enfance d'Alan d'Emmanuel Guibert reprend son fameux personnage, ce vieil homme dont il a raconté la guerre, pour donc évoquer son enfance, dans un style graphique très inattendu, très dépouillé, plutôt des images qu'une BD, avec le texte transcrivant les mots d'Allan: une enfance ordinaire et logiquement extraordinaire comme l'est toute enfance, certains passages emplis de l'émotion des traces laissées ou des gouffres ouverts, un livre non-fini (mais infini) puisque Allan est mort avant la fin du projet, mais à nouveau, sur un thème archi-rebattu en BD, c'est une réussite éblouissante, d'une intelligence et d'une profondeur rares.




N'embrassez pas qui vous voudrez de Sandrine Revel et Marzena Sowa est le récit faussement naïf de la situation de la vie sous le communisme, à travers la mésaventure d'un petit garçon accablé de tous les maux parce qu'il a voulu embrasser sa petite voisine au cinéma pendant un film sur Staline. A partir de ce mince canevas, c'est un portrait politique d'une époque qui surgit à travers les yeux des enfants, et l'ensemble est finalement tout à fait agréable et inattendu.

Etat de veille de Davide Revati est une incroyable BD italienne, d'une étrangeté fascinante, là encore proche de l'enfance mais dans une sorte de métaphore poétique aussi belle que perturbante. Où sommes-nous, quand sommes-nous, on ne saura jamais trop, mais des enfants vivent au quotidien, entre disputes, foot et blagues, et des bribes de ces bouts de vie surgissent et repartent. Métaphore de l'enfance ou de la mémoire, je ne sais, mais en tout cas une BD hors du commun, à nulle autre pareille...





Youh, c'est l'été, enfin tout comme, c'est reggae !