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samedi 30 novembre 2013

DVD curiosités: Alain Gomis

J'ai à peine entendu parler de ce jeune réalisateur français cette année quand est sorti dans une grande confidentialité son troisième film (ah bon ??), Aujourd'hui, avec le génial rappeur (enfin, pas que...) Saul Williams, j'ai pas pu le voir, je me rattrape sur son oeuvre en DVD, et j'ai pas regretté.




Ca commence il y a une dizaine d'années (ah bon ??) avec L'Afrance (2001): bon, je l'avoue, a priori le cinéma à tendance sociale, j'ai rien contre, mais le plus souvent c'est pas du cinéma mais du discours social bien préparé (donc mal) qui procure une impression de surplace. C'est donc légèrement sceptique que je me lance, et me retrouve plongé dans le milieu étudiant (fin d'étude), qui brasse donc origines, préoccupations, réflexions et liens amoureux ou amicaux. Premier constat, j'ai pas souvent vu ce milieu là représenté ainsi, deuxième constat quand arrive assez vite la question des papiers, quelle intelligence...c'est qu'effectivement le film ne va être que ça: de la pure intelligence, ne reculant devant aucune question autour de l'identité (et pas du social), de l'histoire, mais le tout incarné par des vrais personnages, êtres de chair, de sentiments, d'interrogations, de rires, de doutes...et finalement c'est tout simplement un film, très beau, autour de la vie, telle qu'elle peut être éprouvée dans un lieu et temps donné, avec ses passés, ses héritages, ses déviations, dans un contexte (inter)national qu'il faut aussi gérer. Et pour moi, la première fois que la question de l'héritage de la colonisation était posée dans un film avec autant d'intelligence et sans que cela empêche une histoire humaine de se dérouler sous nos yeux.

Du coup, l'envol pris ensuite en 2008 avec Andalucia m'a fait encore plus regretter de n'avoir vu son dernier film. Déjà, Andalucia (titre qui ne se comprend que dans les dernières minutes - séquence magnifique) met au centre un acteur rare, Samir Guesmi, et même moi qui me fout des acteurs et actrices, pour qui ils n'existent pas dans un film, j'étais ravi. Mais en plus là, comparé au premier, on a un film suprêmement libre, assez déroutant au début: des scènes plutôt courtes, qu'il faut apprendre à lier, et qui peu à peu feront le portrait d'un être à part, ce Yacine qui a choisi de vivre dans une caravane, qui discute pendant des heures avec des gens connus ou rencontrés, qui traîne dans un cirque (je veux y aller aussi ! ), qui récupère des petits boulots en refusant de se fixer, qui finalement interroge par son comportement nos modes de vie. Donc on rit, on s'étonne, on écoute, beaucoup, on erre la nuit mais aussi le jour, et peu à peu on s'aperçoit qu'on a là un film de plus en plus poétique et intelligent, une sorte de liberté n'appartenant à aucun genre, et surtout un souffle peu commun dans le monde formaté de certains genres cinématographiques. Là, on touche du doigt des éclairs, des fulgurances, des étonnements, et ce n'est pas donc la scène finale qui arrêtera cela. Pour un réalisateur dont j'ignorais l'existence, on peut dire que la découverte fut au-delà de l'agréable, voilà une voix réellement à part dans le cinéma, français ou pas, une voix précieuse.

Tiens ?? Un disque de rock coréen ? J'essaie ! Ah ?? C'est enregistré en République tchèque ?? Ce serait tchèque ?? J'essaie quand même ! Ah mais c'est vachement bien : Kim Ki O, découvertes par hasard...


vendredi 29 novembre 2013

Oh mon amour, oh mes amours

Un livre ouvert, puis fini d'une traite 2h30 après ?! Cris de joie !



Nouons-nous d'Emmanuelle Pagano, titre dont j'ai mis du temps à comprendre le jeu de mots, mais je suis lent à la compréhension, n'est pas un roman, mais en fait je sais pas trop ce que c'est, ni si on peut savoir, ni si ça vaut la peine de savoir. C'est pas du tout un essai, ni une autobiographie. Ca pourrait ressembler à une sorte de long poème en prose (mais c'en est pas un) si on enlève du mot poème le côté peut-être parfois opaque, obscur ou travaillé: ici c'est clairement travaillé, mais pour aboutir à une limpidité qui fait que ça se boit comme du vin blanc (c'est meilleur que le petit lait).
On va dire que c'est des fragments, qui font entre quatre lignes et une page. Au début, j'ai cru comprendre mais pas du tout: j'ai cru qu'un homme parlait de la femme qu'il aime, puis la femme parlait de lui. Eh ben non: c'est pas "un", ni "une" ! C'est donc en fait une multitude d'hommes, jamais nommés, qui évoqueront un aspect, un moment, un souvenir, un présent, de la femme qu'ils aiment, ou ont aimé. Et réciproquement, des femmes, jamais nommées, évoqueront aussi un instant, un fragment. Au final, c'est soit une litanie, des gens parlent d'amour et parlent d'amour et parlent d'amour et parlent de leur amour, de comment ou quoi ou pourquoi ou de quelle façon ils aiment ceci, cela, elle, ça chez elle, chez lui, mais sans vraiment d'explication, c'est juste des choses dites, des mots très simples mais très forts, très doux, mis sur des instants qui contiennent bien plus qu'eux mêmes, puisqu'instants amoureux. Ca peut aussi être vu comme une série, pas au sens de suite, mais d'enfilade: un kaléidoscope: voilà, des gens parlent, peu, de l'amour qu'ils éprouvent, ou de l'amoureux-amoureuse qu'ils côtoient ou ont connu, et il s'agit juste de les écouter, chacun(e) parlera peu, mais dira vraiment beaucoup, et la somme de ces beaucoup, c'est au lecteur de la déduire.
Et c'est là que c'est magique: parce qu'alors on oscille constamment, sachant que ne pas lire le livre d'une traite paraît bien peu humain, entre la fascination de l'écoute, parce qu'écouter cela moi je voulais que ça ne s'arrête jamais, et le trouble délicieux de l'assimilation: ah oui ça je l'ai connu aussi, à ma manière, ah oui ça j'aurais bien aimé connaître, je n'y avais jamais pensé, ah oui ça finalement en le lisant-l'écoutant j'ai quand même l'impression de le vivre, de le toucher d'expérience.
Alors ivresse, alors souvenirs, alors rêveries, alors espoirs de métempsycose, alors regards dans les rues, vers le ciel les yeux la nuit le gris le froid mais sourire aux lèvres. Aborder la fin de l'année avec et après ce livre, ça efface, ça redit, ça crée constance. Non-roman de l'année, te voilà enfin, sois fort bienvenu...

Une ptite ancienneté de msieur Miossec pour faire écho paradoxal au livre, j'ai toujours été fasciné par cette chanson, qui crie de l'amour en pleurant perte et fracas, et en grognant, mais d'amour ! Vu d'aujourd'hui, elle me fait parfois penser à ***, et puis à  ***, aussi à  ***, pas à  ***, mais aussi beaucoup à  ***...alors j'aime vraiment beaucoup beaucoup, tout ce temps des après.






mercredi 27 novembre 2013

DVD curiosités: collection Les maîtres italiens

Aisément reconnaissables à ses jaquettes oranges et épaisses, cette collection, que je suis loin d'avoir épuisée, présente divers intérêts: ressuciter un cinéma qui fut mondialement reconnu puis moribond puis disparu, mais surtout éviter les chemins balisés certes ô combien essentiels (Fellini, De Sica, Commencini, Visconti, Scola...) pour nous amener soit vers des oeuvres méconnues de ces maîtres, soit plus fréquemment vers des oeuvres vues comme secondaires, qui, redécouvertes, s'avèrent comme souvent premières - aussi. Exemples: (avec, surtout, la stupéfaction de découvrir un cinéma aussi politique et restant du pur cinéma, on voit plus beaucoup ça aujourd'hui, occasion de mentionner une jolie et fondamentale exception, la filmographie géniale du chilien Pablo Larrain, notamment Santiago 73 post mortem et No...)

Achtung ! Banditi ! de Carlo Lizzani (1951) revient sur la période de la Libération en Italie, et sur les combats mettant aux prises les communistes, les ouvriers et les chasseurs alpins. Film de chair (qui se retrouvent, des femmes sont là, ou qui peuvent à tout instant mourir - il y en aura), film de tactique, film de jeunesse, film d'espoir, et plus étonnant-consternant film dont certaines séquences censurées sont réintégrées dans un mauvais état (séquences parfois très brèves évoquant...l'Eglise !), nous rendant à la fois proches (scènes d'intérieur, scènes de cachette) et bien lointains (scènes d'affrontement, la finale notamment), voilà déjà un premier exemple, moins surprenant pour moi que les suivants, de prise en charge de l'histoire par le cinéma. Et de division d'un pays qui semble bien ancrée dans la quotidien.

On peut mettre en parallèle Le jardin des Finzi-Contini de Vittorio de Sica (1971) qui évoque la grande histoire par le microcosme: à Ferrare, deux familles juives, des jeunes amoureux, une certaine allégresse dans le début (tout le monde va jouer au tennis dans ce fameux jardin), mais le film se déroulera de 1938 à 1943, et donc scellera tous ces destins. Déjà, les amours ne sont pas si simples et partagés que l'on croit, ensuite les périls montent, et puis les différences sociales se marquent, elles aussi, et le film, si léger dans sa première scène, devient un terrifiant délitement progressif, illustrant cette Histoire que l'on ne verra pas mais qui entoure peu à peu chaque acte de ces maisons, ces rues, cette ville. La scène finale, aussi habile et tranchante que respectueuse et digne, est incroyable.

On quitte ces époques pour plonger dans du sombre poétique avec Ostia de Sergio Citti (1970), brûlot amoral écrit par Pasolini (ça se sent !), où deux frères surgis d'on ne sait où, sortes de vagabonds célestes, trouvent une femme (si si) qu'ils vont offrir, salir puis emmener avec eux (ou eux avec elle ?) dans des dérives aussi poétiques que dérangeantes. Poème baroque avec trois acteurs magnétiques, on est là dans ce que le cinéma italien de cette époque pouvait offrir de plus radical: l'envie de réinventer de tous côtés. Dérangeant, mais fascinant.





Double-dose de Dino Risi, qui dans ma tête était un cinéaste de comédies masculines, et qui m'a happé avec Dernier amour (1978), qui comme son nom l'indique prend la question à l'envers, puisque son personnage principal entre en maison de retraite, mais reste plein de "vie" (ou de croyance de vie) après sa vie de comique théâtral...il tombe amoureux, ou désirant, de la femme de chambre, toute jeune, et en avant ils foncent...jusqu'à retrouver la réalité, assez vite d'ailleurs, celle des êtres comme celle du monde qui a bien changé. Frémissant de gravité joyeuse et triste à la fois, ce film qui m'a fait découvrir cette collection résonne longtemps, par sa capacité à mélanger les émotions les plus opposées, dans les recoins troubles du coeur.

Dino Risi, deuxième, avec le très beau et très troublant Ames perdues (1976), film magique (mais de magie noire), baroque et bouleversant, qui fait l'une des rares choses que j'aime avec le fantastique: l'utiliser non pas pour faire peur (souvent ça rate) mais comme métaphore de sentiments. Ici donc, avec peu de personnages, un château délabré, des ambiances nocturnes et quelques bruits étranges et recoins sombres, on va peu à peu percer un mystère bien humain, celui des âmes et des coeurs. Brillant, absolument.

Rien à voir en apparence et pourtant, le personnage central interprété par le génial Gian-Maria Volonte d'Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon d'Elio Petri (1970) vient confirmer cette assez incroyable capacité à mêler politique, cinéma (quelle mise en scène, waow !) et ambition artistique (ne pas asséner un "message", délivrer des options). Donc là, on voit d'abord un meurtrier, puis éberlués on suit ce meurtrier rentrant allègrement dans on bureau de commissaire central, et faisant la leçon à ses employés, puis se rendant sur les lieux du crime ! Fou ? Serial Killer ? Nullement: juste une sorte de démonstration par l'absurde de ce qu'est un rôle social, et des aveuglements qu'il implique. Le personnage, sorte de schizophrène volontaire, fera tout pour se faire découvrir en sachant qu'il ne risque rien. Et le film sera un implacable et stupéfiant tourbillon de folies (personnelles, politiques, morales, sociales) que l'on suit sidérés, un film poliicer à l'envers, mais alors un film scotchant. Magistral.

On finira tous sourires (encore que, pas seulement...) devant le magnifique, drôle, enjoué, enflammé Liberté mon amour ! de Mauro Bolognini (1975) où une Claudia Cardinale à se damner joue le rôle d'une fille de communiste appelée...Libera Amore Anarchia (rien moins !) qui va traverser, robe rouge vissée au corps, l'Italie des années 30-40 comme un emblème de tous les refus, sauf celui de la fidélité politique et de l'amour pour sa famille. Véritable tornade que rien n'arrête (ou presque...), elle illumine un film aussi drôle que touchant, aussi engagé et sérieux que rieur et charmé, qui confirme qu'il est possible de faire des oeuvres sexy, légères et profondes sur des thèmes graves voire sérieux: cette liberté là, faut la garder au chaud. Et ce film-là, le garder pour le regarder encore. Coup de coeur absolu.

Petite oldie, le très beau et tendu Kiss de Scoutt Niblett, la ptite soeur souvent négligée à tort de certaines rockeuses...    

   

lundi 25 novembre 2013

J'ai lu quelques BD


On commencera avec un monsieur dont j'ai parlé il y a peu, et dont décidément je découvre des oeuvres dont j'ai jamais entendu parler. le canadien Seth livre avec La confrérie des cartoonists du grand-nord un véritable délice (ne serait-ce que pour l'objet lui-même) autour de la BD: en fait ici on nous fait visiter une sorte d'exposition consacrée donc à ces cartoonists humbles et géniaux...qui je crois n'existent absolument pas ! On découvre pourtant des bribes de leurs vies, des dessins, des histoires, des portraits, des objets de collections, le tout baignant dans un clair obscur d'admiration sans fin et de nostalgie d'un possible âge d'or. Objet-BD à part, comme souvent avec lui, ne racontant aucune histoire mais déployant des myriades d'histoires bien humaines, voici un véritable bijou, avec en guise de clin d'oeil la présence dans cette "galerie" de Chester Brown, auteur bien vivant et bien réel ! Je ne suis évidemment surtout pas allé vérifier sur internet si ces messieurs existent, car mieux vaut se retrouver confronté face à une étrange ambiguïté: la biographie de gens qu'il aurait été si bon qu'ils existent...

Parfait symétrique, j'ai enfin mis la main sur La véritable histoire de Futuropolis, de Florence Cestac. Comme son nom l'indique, c'est encore un voyage dans les arcanes de la BD, française cette fois, avec donc l'histoire d'une collection qui existe toujours, collection d'ailleurs qui est l'une des très rares (la seule) en format BD "traditionnelle" que je lis régulièrement. Oui mais voilà, quels chocs et quels étonnements de découvrir qu'il faut remonter au début des années 70, quand quatre jeunes qui ne connaissent rien à la BD ou presque se retrouvent à acheter un...magasin, car Futuropolis fut d'abord un magasin, tenu par un vieil excentrique vite énervé. Equipés d'une 2CV, amateurs de marchés aux puces, prêts à passer les frontières, voilà nos quatre amateurs qui se bougent pour leur magasin, y croisent de futures figures (Tardi, Jean-Pierre Dionnet égal à lui-même dès sa jeunesse - ça devait être quelque chose !, plus tard le fou ingérable Charlie Schlingo...), et peu à peu décident, sur coup de tête, de se lancer dans disons la confection d'objets-livres érudits, underground, tout faits à la main, et ça va marcher...Et là on assiste à ce que j'ignorais, la naissance d'un absolu underground à taille humaine, une sorte d'utopie libertaire réalisée qui je le crains ne pourrait plus exister aujourd'hui. Car c'est là aussi ce que j'ai découvert: une fois rachetés, dans les années 80, par Gallimard, Futuropolis est devenu "normal", alors qu'avant c'était du délire éditorial, des oeuvres d'arts graphiques que j'aimerais bien voir aujourd'hui: la fin d'une époque. D'où une fin de livre presque expédiée, parce qu'en peu de temps tout s'est non pas écroulé, mais a été modifié essentiellement...c'est d'ailleurs assez étonnant et tellement tristement révélateur de voir que plusieurs fondateurs sont partis en 1984 dans l'aventure Canal plus, chaîne qui a ses débuts a pu être regardée comme plutôt underground et est devenue l'hideux capitalisme TV actuel...en tout cas, voilà une BD qui emporte tout sur son passage, qui en dit long sur le monde et les êtres humains des quarante dernières années, qui est d'une drôlerie absolue, bourrée d'anecdotes et surtout d'une humanité dans ce qui l'est le moins, la machine économique et les idéaux. Chef-d'oeuvre.

Bizarrement pas si éloigné, Pasolini, une rencontre de Davide Toffolo n'est pas exactement ce que son titre indique, en tout cas s'avère plus riche et trouble. L'auteur est en effet "contacté" par un double de Pasolini, et le rencontre, puis tente de suivre ses traces. C'est l'occasion d'écouter les mots - tellement justes, tellement prophétiques en un sens - du cinéaste-écrivain-poète, son regard sur la société italienne voire mondiale (sa manière précieuse de conjurer la société de consommation trente ans avant, ça fait autant de bien que peur)...outre tout cela qui déjà justifie lecture, ô combien, la BD partira vers des moments centrés sur l'auteur, entre une relecture de la scène mythique de Nanni Moretti dans Journal intime, et poursuites étranges d'un fantôme inexistant...une très belle oeuvre donc, qui donne furieusement envie de se replonger dans les films du monsieur, dont on n'entend plus trop parler, ce qui là aussi en dit long...je sais ce que je vais prendre à la bibli prochainement !

La voiture d'Intisar de Pedro Riera et Nacho Casanova nous emmène au Yémen, où sous forme de reportage-interview-rencontre, nous suivons le quotidien d'une jeune infirmière, cette Intisar aussi délurée que révoltée, aussi pétillante d'intelligence que drôle et attachante. A travers elle, c'est toute la société yéménite, et les places réservées aux femmes, que l'on découvre, et, ce qui n'est pas toujours le cas avec ce genre très répandu de BD, ici miracle cela ouvre beaucoup plus de questions que de réponses...on est donc confrontés à de l'inacceptable, mais aussi et surtout à du fort complexe qui n'en finit pas d'amener des interrogations. Dans le genre, une totale réussite, avec en prime un personnage féminin débordant d'obligation d'admirations.

On finira avec une BD de chez...Futuropolis, Kongo, le ténébreux voyage de Josef Konrad Korzeniowski, de Toni Tirabosco et Christian Perrissin,  récit historique de cet ukrainien de la fin du XIXème siècle qui part découvrir le "commerce" au Congo, ukrainien qui n'est autre que le futur écrivain Joseph Conrad...On suit donc, outre la naissance à soi-même d'un homme curieux du monde, la naissance des "liens" (hum...) entre Europe et Afrique, entre commerce et esclavagisme, entre présence et utilisation, cet ouvrage de facture classique dans son récit, mais d'un noir et blanc très beau, ouvre là aussi des perspectives disons...révélatrices...



La pop baroque avec de Mice Parade, avec ses déviations hispaniques finales inattendues, conviendra très bien pour ce lundi matin...


dimanche 17 novembre 2013

DVD curiosités: la collection Les introuvables.

Les sorties ciné étant aussi un peu réduites, et puis de toutes façons on peut pas dire qu'il pleuve des appels de films en ce moment, il y a par contre des entrées culturelles nombreuses à l'appart, merci la bibli...je sais pas si je pourrais en parler souvent, mais enfin je découvre de telles pépites de moi inconnues que quelques mots ne sauraient être de trop...
On commence aujourd'hui avec quelques exemples d'une collection qui ne pouvait que m'attirer, des oeuvres relativement peu connues du cinéma américain, loin d'être aujourd'hui celui qui m'attire, mais qui comme toute vie recèle dans ses recoins secrets des merveilles.


That cold day in the park de Robert Altman (1969) est une pure étrangeté, la "rencontre" forcée d'une bourgeoise américaine et d'un jeune totalement mutique, qu'elle récupère sous la pluie sur un banc, accueille, et avec qui elle monologue. En fait ce garçon n'est muet qu'avec elle, et lorsqu'il s'échappe-sort de chez elle, il va retrouver sa soeur ou ses amis et leur raconte son jeu. Mais ce qui n'était qu'un jeu... fascination de classe, de génération, d'individus corsetés ou se voulant libres, le film est un puzzle qui met souvent mal à l'aise, jusqu'à son dénouement disons, particulier. Portrait en creux d'une nouvelle Amérique, mais aussi regard sans fard sur la bizarrerie humaine.


Ralph Bakshi, lui, faisait des dessins animés, principalement d'Heroïc-fantasy (il a même fait un Seigneur des anneaux bien avant cet idiot de Peter Jackson), mais plutôt pour adultes, y diffusant des idées sur le monde et sur les relations humaines. On retrouve donc dans Les sorciers de la guerre (1977), outre les ingrédients du genre (frères ennemis, trahisons, danger planétaire), des personnages féminins ultra-sexy, de l'humour, et surtout une référence constante au nazisme, avec un mélange inattendu d'animation et d'images "réelles". On n'est pas loin, et c'est là le plus surprenant quand on voit aujourd'hui le niveau quasi-zéro de l'animation américaine, des manga: des oeuvres d'art données pour se divertir ET réfléchir. 


Idem pour le génial film de SF Le monde, la chair et le diable, de Ranald Mac Dougall (1959), de la SF comme je l'aime, absence totale d'effets spéciaux, seuls les lieux et les situations la créent, et lecture à double-niveau. Donc là, contexte guerre froide ou pas, la fin du monde est arrivée, en tout cas celle de l'espèce humaine, au moins en Amérique: il ne reste que trois humains...deux hommes, une femme...un blanc, un noir...le propos du film, outre la vision toujours hallucinante d'un décor de ville immense mais vide, sera donc bien à la fois politique, sociologique, et psychologique, sans jamais tomber dans l'ennui du film à thèse. Car derniers humains ou pas la question de comment on vit ensemble ou pas sera au coeur de chaque instant. Film fascinant.


On finira sur les deux plus curieux, d'abord Electra glide in blue de James William Guercio (1973) qui suit le quotidien de...policiers à moto, avec un regard à la fois distancié et en même temps rendu plus proche par le fait que c'est le personnage auquel on s'attend le moins que l'on va suivre, un petit homme plein d'idéaux, qui vont vite buter sur la réalité, mais qui a bien de l'endurance (on n'est jamais obligé d'accepter la réalité). Film vraiment ovniesque pour moi, aussi drôle que surprenant, aussi amer que tendre, prenant à rebours tant la culture hippie se développant que le point de vue policier ras la casquette, on se retrouve devant un produit assez hallucinant, cherchant là-aussi, mais à une plus grande échelle que le film précédent, à comprendre finalement comment tout le monde vit. 


On finira avec le top du top, le relativement connu The swimmer de Franck Perry (1968), l'un des films les plus étonnants qu'il m'ait été donné de voir, par son idée de scénario: un homme en maillot de bain surgit on ne sait d'où dans une maison huppée de Los Angeles, connaît les habitants, discutent avec eux, n'habite pas très loin, à quelques maisons et jardins de là, et décide, au lieu de prendre la route, de rentrer chez lui en traversant tous les jardins et les piscines qu'il croisera. Euh attends là, le film raconte donc l'histoire d'un mec qui rentre chez lui en maillot de bain en traversant des jardins ?? Eh bien, oui ! Le film ne montrera que ça. Mais...très vite, entre les rencontres, et les dialogues (certains passages sublimes, l'enfant, l'ancienne maîtresse...) on découvre que c'est sa vie (la question étant de savoir si elle est passée, présente ou future) qu'il est en train de traverser. Pari tenu jusqu'au bout: acteur en maillot (Burt Lancaster, les filles), scénario improbable devenant haletant, et un final aussi grandiose que scotchant. Incontestablement, ce film à nul autre pareil est un pur chef-d'oeuvre.

Et moi j'aime beaucoup les caennais de The concrete knives, oui oui !




samedi 16 novembre 2013

Winning a concert, winning the war

Cette année, c'est adieu sorties et petits plaisirs superflus, pas d'argent mais c'est pas grave parce que tout temps...mais du coup c'est les concerts qui se font rares, heureusement reste le système G: gagner des places, c'est assez facile vu ce que je vais voir. Sauf que cette année le St ex a fermé ses portes, et le I-boat programme moins de concerts tous les soirs et plus de soirées boite: ça m'étonnait aussi qu'ils puissent faire venir tant de monde.
Finalement ça m'amuse parce que ça m'amène à redéfinir ma manière d'aller au concert, vu que pour l'instant j'ai gagné que pour des trucs dont j'ignore absolument tout, jusqu'au nom (si l'on excepte Balmorhea où je me suis trompé de date grrrr...). Donc je la joue très old school: je connais pas du tout ? Eh ben j'y vais sans connaître, surtout aucune recherche internet ni écoute. C'est offert, si vraiment ça me plaît pas je peux repartir. Et je me garde au chaud la possibilité d'un truc qu'internet empêche quasiment: la surprise. Je ne dois surtout pas oublier que mon meilleur concert 2012 fut celui ainsi gagné des incroyables Firewater que je découvris pour le coup en live.



Alors on commence avec Griefjoy, qui finalement s'avèrent français, avec deux surprises: d'abord ya du monde, ensuite la première partie tient fort bien la route, Dance to the end...quant à Griefjoy, c'est de l'électro-pop-rock pas franchement original mais très efficace, ça fait bouger tout le monde, c'est emportant, c'est surement mieux en live réussi qu'en disque, mais à coup sur il y a des morceaux qui vrillent la tête joyeusement. 



La grande surprise viendra ya trois jours des absolument inconnus de moi Kadebostany (qui jouent le même soir que Dominique A que je peux pas me payer, mais que je croise dans la rue le lendemain !), et eux je sais toujours pas d'où ils viennent vu qu'ils s'inventent un pays imaginaire. Là aussi ya plutôt du monde (on est si nombreux que ça à gagner des places ?), là encore la première partie assure mais croit que mettre le son à fond ça emporte, ça fait fuir plutôt, un ptit groupe de Dijon (oh non...!) The George Kaplan Conspiracy. Pendant la pause, une bourde monumentale avec une inconnue qui a beaucoup fait rire la demoiselle, et ensuite l'arrivée de cette étrange "fanfare", en costume digne de Tintin en Syldavie, le président est à la console, deux gardes en trompette et trombone, un guitariste, et une chanteuse très tatouée...Et très vite ça démarre dans tous les sens, parce que à nouveau je sais pas ce que ça donne en disque mais en live ils étaient bien déchaînés et enchaînent tout ce qui se fait de mieux dans les musiques d'aujourd'hui, avec parfois des mélanges étonnants. On navigue entre ballades tristes qui explosent en rap, puissance électro rehaussée de cuivres sautillants ou lancinants, passage Dub qui a mis tout le monde d'accord, délires fanfare en l'honneur de leur pays (le Kadebostan, et ouais), tout y passera et mettra une réelle ambiance, je crois qu'on a tous été bien bluffés. Une découverte idéale avec ces temps arrivant de bien frais...

Un bon exemple de trois chansons en une...écoutez bien, vraiment.

                           

samedi 9 novembre 2013

Peu d'exceptions mais peu de règles

Mon dernier blog avait fermé ses portes sur le récit (incomplet) d'un non-événement dont on rigole encore tant il fut échevelé et symbole de n'importe quoi généralisé, mon déménagement d'il y a un an et demi, avec Seb, qui nous avait pris trois semaines et des moments gravés dans notre petite légende. Eh ben la semaine dernière c'était l'inverse, j'allais aider Seb à déménager, mais là comme on l'a constaté c'était un vrai déménagement: un aprem, les muscles devant bosser, la pluie, les trucs lourds...on aura quand même trouvé des caddies, perdu un diable (qu'il y aille), bloqué une dame qui a pas du tout ri à ma blague, et il fallait bien un miracle, trouvé la caisse des alcools pile disponible quand on avait fini.
Au rayon on ne me la fait pas, quand Agnès me dit "tu devrais venir demain midi, il y aura une surprise qui devrait te faire plaisir", je la frustre en répondant aussi sec: "yaura Gaëlle ??!! me voilàààààà!!" mais pas du jeu, un chat et des pompiers s'en sont mêlés et la surprise fut brève (mais comme toujours éblouissante), vivement le 30 novembre moi je dis !
Et enfin, sans vouloir jouer les Cassandre, moi je dis que le monde va peut-être changer et s'améliorer, en tout cas grand-gourou (celui qui vieillit et le répète quatre fois, mais offre une écoute bienveillante enfin ça dépend pour qui !) a dit (attention ça va être puissant): " Je crois que le plus important est d'être en accord avec soi-même et de ne pas se trahir"...Et la lumière fut !!!!!! Faut pas s'étonNEZ qu'il y en NEZ qui marchent fièrement en tenant leur bâton de pèlerin sur les chemins les plus humides...



C'était pas la semaine des grandes pioches, c'est l'hiver qui arrive ou quoi ?
Alors côté ciné d'abord je grogne je suis pas content, aucune salle (même chez ces idiots de l'UGC) ne passe Haewon et les hommes le dernier Hong Sang Soo, et rebelote cette semaine impossible de voir le dernier Doillon (on abat même les monuments j'hallucine) Mes séances de lutte qui m'aurait fait grimper au plafond. Salauds de distributeurs !
C'est l'esprit ouvert voire excité que je suis allé à l'UGC (cauchemar) découvrir le dernier né d'un des cinq plus grands cinéastes actuels, un de mes maîtres, le coréen Bong Jon-Hoo qui s'est exilé en Amérique pour adapter une vieille BD underground des années 70-80 que je me souviens avoir lu quand j'avais dix ans et que je m'ennuyais chez mes grands-parents. Oh là, lui aussi il est parti aux States ? Hum...alors ya eu John Woo, génie à Hong Kong, que des nullités aux USA. Puis Tsui-Hark, exactement le même chemin. Dernièrement, Park Chan Wook, demi-génie en Corée y est allé et son film Stoker n'a aucun intérêt. Et maintenant le maître ?? Je reconnais que le cinéma coréen est en grande perte de vitesse après les feux d'artifice, mais quand même...
Et donc ? Oh ben c'est vite vu: on, se retrouve devant un film américanisé, pas totalement inintéressant mais à des années-lumières des trois chef-d'oeuvre Memories of murder, The host et Mother...en fait, pour une fois, moi qui d'habitude ne les vois même pas, c'est les acteurs qui gâchent tout: c'est pas compliqué, tous les acteurs américains étaient nuls, et les deux coréens transformaient le film dès qu'ils apparaissaient et faisaient hurler de regret en imaginant ce que cela aurait été tourné là-bas... je reconnais que je dois pas être d'une objectivité totale, mais enfin j'ai perdu mon temps, donc pas grand chose à dire sinon sniff...



Un polar yavait longtemps, qui vient d'Espagne, La tristesse du samouraï de Victor del Arbol se lit avec grand plaisir mais ne m'a pas non plus fait sauter au plafond. Construit en alternance passé-présent, années 40-années 80, l'intrigue est bien ficelée, et transforme l'ensemble en tragédie difficile à arrêter (quand le passé court après, il rattrape, en tout cas ici). Ca permet en plus de brasser l'histoire d'un pays et de l'Europe (les guerres, la politique) à travers quelques destins individuels: comme presque toujours chez Actes Sud, ça ne sait pas décevoir.



On finira avec trois bonnes pioches en BD, quand même ! Actes Sud encore avec l'étonnant Bande d'arrêt d'urgence de Phoenix Woodrow, BD qui n'est pas une histoire mais une sorte d'essai personnel sur l'attitude des humains en voiture. Oui je sais ça paraît bizarre, et ce n'est pas pour ses dessins qu'on ira lire cet ouvrage, mais j'avoue que, puisque l'auteur analyse, plus ou moins judicieusement, une forme de comportement à réflexes, on en vient à se poser des questions, voire à être un peu désabusés. Une BD hors des sentiers battus, c'est clair !



Youpi, Davide Reviati l'auteur italien qui m'avait scotché avec Etat de veille dont je parlais il y a peu, une BD quittant tous les sentiers connus du genre autobiographique ou récit d'enfance, revient avec Oublier Tian'Anmen, bigre une BD reportage d'actualité ??? Surprenant de la part de quelqu'un semblant peu dans l'air du temps. Et effectivement il sait les quitter ces sentiers, puisqu'on le retrouve en Chine, mais débordé de questions, de limites, avec beaucoup de passage muets (là où la BD d'actualité parle beaucoup), des digressions, des souvenirs, des rappels...au final, la BD aura ouvert des brèches plus qu'elle ne fait la prof, et je me dis que ce Davide Reviati s'il continue à redéfinir les genres les plus codés de la BD contemporaine, va être un monsieur à suivre de très près.



On finit avec une vieille connaissance, Seth, pour une ancienne BD que je connaissais pas: le commis-voyageur (tome 1, grrr). La vie d'un représentant en aspirateur ?  C'est vraiment par acquis de conscience que j'ai commencé à lire, et puis paf (comme dirait l'autre ha ha ha !) un vieil homme s'adresse directement à nous, et sur quarante pages parle de ces fameux aspirateurs, de leur place dans son histoire, et peu à peu ça prend de l'ampleur, et des pans familiaux s'ouvrent, et puis une photo, et puis flashbacks, et puis on est quarante ans en arrière avec son frère, et puis on suit une de ses journées, et puis faut attendre le tome 2 argggh ! Au final ? une BD bouleversante, pleine de simplicité et de profondeurs, passionnante, et dont je me demande bien sur quoi elle va déboucher. Ca m'a rappelé que Seth est tout de même l'auteur d'une des meilleures BD lues de ma vie, le fameux Georges Sprott, qui nécessite une brouette (et je connais un amateur, enfin, avec ses alter-ego spirituels !!) pour la transporter au vu de son format hors-catégorie.

J'en connais plusieurs qui disent qu'il n'y a pas de hasard, je pense qu'il y en a ! J'aurais jamais dû entendre les deux chansons françaises qui suivent, mais elles se sont imposées à moi, et ça m'a plutôt fait rire. La première est de Maissiat, alors j'ouvre un CD d'électro de la bibli sans regarder, je mets le disque, stupeur ya un piano et ça chante français, et finalement je m'aperçois que le disque correspond pas au boitier...la deuxième, je veux écouter Nils Frahm dans ma voiture mais le CD fait que rester planté sur le disque d'avant, j'ai beau appuyer cinq fois ça avance pas, alors je laisse tourner, me dis mais c'est quoi ce disque, me dis aussi que Saez aurait donc une soeur !!, et voilà pourquoi cette chanson est là...harcelé par deux filles en disque, c'est toujours ça de pris !