Pages

dimanche 29 septembre 2013

Trois gouttes qui remplissent le vase

Il est certes un peu loin le temps joyeux de la prolifération des manga au cinéma, qui m'emmenait bien une fois par mois dans les salles...mais dès qu'un rescapé pointe le bout de son nez, j'y suis en compagnie du ptit gars et de son copain Thomas parfois, comme là.



Ca commence par trois gouttes qui tombent du ciel, et en avant pour l'entrée dans la vie, qui change, d'une jeune pré-ado, la petite Momo, sur un bateau les amenant sur une île perdue du Japon, Tokyo c'est fini. La maman a un nouveau travail, le père est mort il y a peu, elles vont s'installer chez une grand-tante et un vieil oncle (qui veut toujours fumer mais se fait réprimander !), c'est l'été, un nouveau quotidien se met en place. Le cadre est posé, un grand classique du manga dont je ne me lasserai jamais de répéter qu'on ne le voit dans aucun autre type de dessin animé: un réalisme psychologique aussi cru que tendre. 
L'été, c'est donc, là-bas, le temps un peu vide de la solitude, la gentillesse distante des personnes âgées, les quelques jeunes sautant dans la mer depuis le nouveau pont, qui intimident un peu. On se doute que dans cette solitude résonne, par brefs et puissants flashbacks, la disparition du père, et ce qui s'est passé juste avant entre elle et lui, qui se dévoile peu à peu. Mais c'est aussi l'apparition de ces trois divinités tombées du ciel, ces fameux yokaï que mon ptit gars et moi on connaît désormais vachement bien grâce aux BD géniales de Shigeru Mizuki, qui sont là pour veiller sur les deux personnages féminins, et surtout, involontairement, pour provoquer rires et attachements. Parce que ces trois-là sont vraiment des bras-cassés certifiés, au physique délirant, à l'attitude d'une maladresse folle (ils volent toutes les cultures, ratent tout ce qu'ils entreprennent, sont aussi flemmards que dépassés), mais cherchent aussi à s'acquitter de leur "mission" avec la plus grande gentillesse.
On naviguera donc entre rires, émotions, délicatesse, chronique familiale et d'un âge de la vie, dans un décor somptueux, l'île est en fait inventée, et toutes les magies des manga seront bien au rendez-vous: on se laisse porter, on est ému, on réfléchit, on retrouve des sensations, et on ressort content et touché: l'animation japonaise reste décidément au-dessus du lot, même si clairement il y a ici peu d'innovations pour qui suit le genre, mais quand on se retrouve face à la quintessence de la qualité, on savoure. La surprise finale sera pour moi de découvrir que le réalisateur, Hiroyuki Okiura, n'est autre que le génie qui, il y une bonne dizaine d'années, a créé l'un des plus (le seul l'ultime ?) puissants manga de science-fiction politique: Jin-Roh la brigade des loups. Je ne sais pas pourquoi il a attendu si longtemps pour faire un autre film à l'univers si éloigné du premier, mais une chose est sûre: encore un nom à accrocher au meilleur de l'animation japonaise.


Et toutes les joies tous les étonnements: la diva de 74 ans qui réinvente les jouvences et les vraies vies est de retour avec un nouvel album impeccable, as always. Brigitte Fontaine, tu m'éblouis.





vendredi 20 septembre 2013

"Moi, la mer, ça me donne envie de faire l'amour"






On commencera par le présent, et un premier film français qui va pas plaire (sûrement à juste titre) à tout le monde ou grand monde, à l'honneur aujourd'hui, donc un exercice typique du cinéma de notre pays, et redoublé par le fait que c'est un premier film féminin, là encore rarissime sont les pays où le cinéma est fait par des femmes (et tout le monde s'en fout - no comment). Donc Justine Triet, issue des Beaux-Arts (j'en sais pas plus) balance un pavé dans la mare de l'exercice attendu avec La bataille de Solferino. Et déjà clame au monde un truc que j'ai déjà dit et que je veux répéter longtemps: Vincent Macaigne est le génie français acteur (il est aussi metteur en scène de théâtre et de moyen-métrage cinéma) des années 2010 commençant. Révélé pour moi avec la première venue de Boris dans mon canapé (si on avait imaginé à l'époque ce que moins d'un an après nos vies seraient devenues !) devant le génial Un monde sans femme de Guillaume Brac, dont le nouveau film arrive bientôt,  confirmé ensuite par la moindre de ses apparitions (notamment La fille du 14 juillet dont j'ai parlé il y a quelques temps), j'avoue que moi qui n'en ai rien à cirer des acteurs-actrices, lui, dès qu'il est dans un film, j'y cours j'y vole. Je ne savais don rien sur ce premier film. Et maintenant...
Bon, le contexte est double: ça débute dans une cacophonie enfantine, et même très petite enfantine: un appart, un couple (mais l'homme n'est pas le père), deux très petites filles (faut oser, pour un premier film): ça crie, ça pleure, c'est tendu, on entend pas bien parce que les petites pleurent vraiment beaucoup. Un matériau total premier film français: trentenaires au quotidien. Arrive un baby-sitter assez lunaire et vite dépassé. La mère est journaliste à la TV. Et c'est l'élection présidentielle de 2012: le jour des résultats: elle va les couvrir. Suivra alors une autre cacophonie: celle de la rue: même bruit que les petites, mais plus de monde. Ca couvre la première moitié du film. Et ça me laisse circonspect: je vois pas vers quoi ça va. Certes on n'est pas dans le sentimental que j'ai tant aimé dans le jeune cinéma français des années 90-2000, mais ça mène où cette confrontation du politique et de l'intime ? Sauf qu'un grain de sable s'est immiscé: Vincent, le père, l'ex, joué par Vincent Macaigne, qui débarque bardé de cadeaux complètement délirants et décalés: il veut voir ses filles mais n'a pas le droit par décision du juge: il serait dangereux, il est surtout frappé et incontrôlable, drôle et mettant un peu mal à l'aise. Fou ou extra-lucide ? Donc mis à part lui dès qu'il apparaît, la première moitié du film me convainc sans plus.
Et puis arrivent les 45 dernières minutes. Et là, avec un dispositif ultra-minimaliste s'opposant à ces foules et ce "destin national" un peu inattendu du début, va surgir un moment de cinéma, long et étiré à l'extrême, des plus inattendus et réjouissants pour moi. Un pari osé, où avec peu, mais en le creusant à l'infini, le film va dévier, les acteurs mais surtout Macaigne être soumis à un exercice casse-gueule mais scotchant de réussite:  et on alterne entre des émotions vraiment radicales, j'ai énormément ri, j'ai aussi été très mal à l'aise, parfois ému, et je ne sais toujours pas, au final, ce qu'il faut retirer de ce film, sinon que toute sa première partie prépare la deuxième, qui résonne comme une bombe lancée dans le territoire français psychologique le plus connu, pour en faire une foire, une bataille au sens guerrier, et surtout, surtout, une interrogation sur l'amour, les manières d'aimer, de ne plus aimer, de vouloir aimer, de savoir ou pas ou peu aimer, qui électrise et m'a enflammé. Il y a longtemps, très longtemps, depuis le surgissement de Christophe Honoré je dirai, que je n'avais vu un ou une réalisatrice française s'attaquer à la question amoureuse avec autant d'effronterie, d'originalité, de singularité et de refus des sentiers balisés (je parle pas du clinquant d'un Ozon qui choque que le centre mou): ici, psychologiquement, ce sont des kalachnikovs amoureux qui sont convoqués, ceux qui font mal et qui font du bien en même temps, qui surtout désorientent et réorientent tout sur leur passage. Je crois que souvent je reverrai ces quarante-cinq minutes qui me font me dire que oui, il y a une dame, désormais, dans notre cinéma, qu'il va falloir suivre de près, et elle s'appelle Justine Triet, et je crois que pour l'instant elle a pas peur de grand chose. Un vrai bouquet de nerfs elle m'a donné. Trop heureux, le moi ! 




On finira par une douleur, pas malheureuse mais indignée: le généticien humain, trop humain Albert Jacquard est mort à 87 ans, et globalement dans ce qu'on appelle les "média"  (ça relie ? J'appelle ça les éloigneurs, si on les suit vraiment) ça a fait l'objet d'entrefilets. Et moi ça me dégoûte, les dits-médias me font gerber, je leur vomis à nouveau dessus. Moi, ce monsieur, que j'ai découvert à cause d'une bourde que j'ai dite au boulot ya maintenant une dizaine d'années, il a modifié mon existence,  et également mon travail, et plus encore les liens que mon travail m'a permis de tisser avec certaines jeunesses, Ses livres sont des concentrés d'intelligence et de science, d'ouverture d'esprit ne craignant jamais la singularité voire les révolutions tous azimuts. Un vieil homme qui se déplace en personne dans les écoles primaires dites ZEP, qui écrit pour enfants, grands ados ou adultes (mais qui le savait ?) sans jamais simplifier ses idées révolutionnaires, et surtout qui a fait dire à des ados que j'ai croisés ya dix ans "quand on parlait de Jacquard, j'étais pas en cours, je volais, et depuis je pousse des raisonnements" ou encore mieux, qui a fait graver certaines de ses phrases dans les toilettes d'un lycée (j'y croyais pas, j'ai vérifié, ils me mentaient pas), je considère qu'il aura été plus important que tout ce que les non-médias auront bien voulu faire croire. Il concluait son livre pour grands ados en disant qu'il avait dialogué avec le passé en lisant des livres, dialogué avec le présent en partant à la rencontre de tous ses contemporains, des SDF aux ministres, et dialogué avec le futur en écrivant ce livre pour son futur arrière petit-enfant. Bilan, disait-il: "Mort, où est ta victoire ?". On peut désormais répondre, puisqu'il n'est plus physiquement: Mort, regarde ta défaite, face aux écrits et à la vie de ce géant cervical à taille humaine. Albert Jacquard, je vous remercierai jamais assez, mais toujours.

 Et la ptite rappeuse Vida Killz elle me plaît bien , dans la voiture ou dans l'appart, on l'écoute on  l'entend on l'attend on la trouve on la découvre.





mercredi 18 septembre 2013

Plainement indien (Psycho-bonheur de l'existence de Boris, au passage)





C'est peut-être pas le grand scoop de mon blog que la sortie d'un film de Desplechin, 5 ans après le Conte de Noël, me fasse, disons, vivre un peu plus. C'est pas un grand secret non plus de s'apercevoir que finalement, depuis ce mercredi décisif de mes 17 ans, son cinéma reste un des très rares (le seul probablement) liens "humains" traversant les années entre ce lointain de la jeunesse et mes aujourd'hui. C'est aussi dérisoire que magique, c'est ainsi.
Depuis donc plus de vingt ans, la technique devant ses films m'est toujours identique: première vision, je comprends strictement rien. Deuxième vision, je comprends l'histoire en gros. Troisième vision, je commence à percevoir les infinités de sens saturant chaque scène. Après, pour vraiment commencer à réfléchir, j'attends la sortie en DVD. En gros, c'est ma boîte de Pandore inépuisable: miam. Et mon récurrent appel à changer: miam miam.
Jimmy P., Psychothérapie d'un indien des plaines, est donc l'adaptation du seul livre au monde (apparemment) relatant du début à la fin, une psychanalyse. Rédigé par Georges Devereux, un électron libre du milieu (tellement intenable qu'il fuyait visiblement vers les marges constamment), on a donc là un matériau a priori très peu cinématographique: ça se filme, une psychanalyse ? C'est là déjà que j'ai commencé à avoir tout faux...
Sortie du film, me voici me voilà, et puis au bout des deux heures, je ressors un peu perturbé: ben mince alors, j'ai compris le film. Ca tournoie dans ma tête: j'ai vieilli ? Mûri ? Changé ? Ou c'est lui ? J'en viens même à me poser une question qui m'est assez étrangère, totalement avec Desplechin: J'aurais pas aimé ? J'aurais aimé ? Ce serait moins bien ? Une décision était déjà prise, inutile de retourner le voir (une première pour moi en plus de vingt ans !), le film est très ardu, me parle assez peu (oh là là j'ai vraiment changé-mûri-vieilli, et faut pas oublier son vieil adage, "quand tu mûris, tu tombes et puis tu pourris"), me fait penser à ces Truffaut arides mais beaux (La chambre verte, L'enfant sauvage), et puis trotte dans ma tête aussi que je viens de revoir La sirène du Mississipi et Les deux anglaises et le continent, deux Truffaut qui se sont fait démonter à leur sortie, totalement incompris, et qu'ils m'ont mis par terre, alors que je les avais déjà vus. Me demande toujours si je reproduirais pas les mêmes aveuglements involontaires. Fin du premier acte.
Deuxième acte, le réalisateur parle une heure à la radio, avec une psy, du rapport entre psychanalyse et cinéma: et là, fusées dans la tête: tout ce qu'ils disent sur le film, je l'ai pas vu, je savais même pas (les liens entre la psychanalyse et le médical dans les années 1948, désolé, jconnais pas, cet hôpital célèbre je savais pas non plus, qui était vraiment Devereux et ce qu'il représentait dans le milieu, ce Jimmy P. dont on ne saura jamais l'identité mais qui a fait naître aussi Devereux, parce quand on rencontre quelqu'un si c'est vraiment une rencontre, on se fait mutuellement exister autrement, les liens sociaux peuvent rien contre ça), en prime ils délirent tous deux sur un des films de Hitchcock les plus mal considérés à sa sortie et vus ensuite par certains comme un immense film - Pas de printemps pour Marnie - et  là je commence à m'apercevoir que, comme à chaque fois, les images et l'histoire que j'ai regardé cachent une infinité de sens derrière elles: oh oh oh, me serais-je une nouvelle fois fait avoir ? Je serais passé devant la mine d'or sans la voir ?
Troisième acte, bousculades dans le cerveau: j'y ai vu quoi moi dans ce film ? De l'épars: j'ai pioché dans tous les sens, mais finalement il me dépasse dans son ensemble: ah ! ça, j'aime ! Alors au hasard, et ça intéressera pas grand monde, j'y ai vu une inversion des rôles traditionnels d'Amalric, qui de fou devient guérisseur, mais finalement est aussi fou puisque mal vu par son milieu professionnel - il n'a qu'un seul "patient" ! ; un film policier sans crime ni résolution, une enquête sur le plus anodin et le plus infini: l'âme d'un être humain, son cerveau, sa psyché; une manière de filmer les indiens rarissime au cinéma - inspirée d'un film inconnu et absolument incroyable de 1961, The exiles de Kent Mc Kenzie, que j'avais vu avant, rarissime oeuvre américaine parlant et montrant vraiment des indiens - et pas dans une réserve; donc du respect ému et touché pour les humbles, les rejetés, les outcast, tant les malades que les indiens que les blessés de guerre que les électrons libres d'un milieu: et quand on regarde le cinéma majoritaire, quand s'y pose-t-il encore la question de ceux qu'on ne regarde jamais ?; une attention très douce et très forte au fait qu'on ne peut pas se comprendre et que tout rapport à l'autre est un rapport aidant; à travers quelques scènes brèves mais pour moi inoubliables, une très belle esquisse d'une forme de lien "amoureux" vécu dans toute sa différence, entre le personnage d'Amalric et sa maîtresse: quelques minutes dans l'ensemble du film, quelques traces comme des pas sur le sable menant aux lointains des mers; une croyance folle, démesurée dans le cinéma, se dire, à l'époque - qui a toujours existé mais connaît des pics parfois - des films à budget et éclats visuels, que filmer deux hommes qui se rencontrent dans le désert de leur vie, ça reste l'aventure ultime; un regard doux et bon sur les humains - pas si inattendu chez Desplechin parce que finalement défauts et qualités sont chez lui regardés avec la même acceptation; et je pourrais mettre quelques etc...
Mais voilà, au non-final, je crois que, tout seul avec mon film de lui parce que je crois qu'il est le cinéaste que je peux le moins partager (traduction = j'ai fait chier tout le monde avec lui depuis vingt ans, donc j'ai fini par me taire pour laisser les gens tranquilles), j'ai finalement, une nouvelle fois, et sans m'en apercevoir, vécu la même expérience que d'habitude: il me dépasse, et fuyant la question de j'ai aimé ou pas, je dois changer mon regard, réorienté mes yeux, faire dévier mon cerveau pour arriver devant ce qu'il suggère, et que je suis libre d'apprécier ou pas. Et voilà, j'ai donc été amené délicatement ou violemment à ce que je considère comme la meilleure des expériences: j'ai dû changer, grâce et à cause de quelqu'un, pour mieux me découvrir. Je n'ai dès lors plus qu'une démarche à faire pour commencer à comprendre tout cela: retourner voir le film. Comme d'habitude. Différemment d'à chaque fois.

(Je me demande si tout ce que j'ai écrit sur le film peut pas être lu comme une métaphore totalement involontaire et un contournement de quelque chose que je dois pas faire et que je fais sans problème. Waow...)


Et c'est le retour miraculeux du prince du "hip-hop" (dira-t-on) mélancolique et tourmenté: Soso, pour un nouvel album à l'image de ses meilleurs: magistral.


dimanche 8 septembre 2013

Dimanche matin, déjà mes liesses



C'est d'abord une histoire, ou plusieurs, celle finalement assez longue d'une non-rencontre en live avec Arman Meliès, chanteur singulier s'il en est par chez nous. Suivi depuis ses débuts très discrets (premier album au titre le plus imprévu du monde, Néons blancs et asphaltine (!!) découvert via le début des sites musiques sur internet), puis fidèlement retrouvé, toujours dans la non-notoriété, à chaque album. Ce fut beaucoup écouté, seul ou partagé dans le canapé montpelliérain du Zucco, puis finalement transmis à assez peu de gens: Arman Meliès a su rester relativement secret, sauf avec l'indien récemment - en nous la vie, hein... C'est le champion des chansons euh-faut-un-dictionnaire-là-je-connais-pas-les-mots qu'il emploie, chansons tendues, chansons mystères, chansons qui échappent à toute démonstration type "écoutez bien je parle de ça". C'est aussi l'histoire d'un sans faute pour l'instant, quatre disques, quatre virages, les textes sont moins happy few mais restent très opaques, le rock se fait plus électro.  C'est aussi l'histoire d'un livre écrit par lui trouvé un jour par hasard à Ombres Blanches, l'église-librairie de Toulouse, et aussitôt acheté: son Beau siècle de légendes est toujours là, à portée de mes yeux alors que j'écris ceci. C'est aussi l'histoire d'un concert raté il y a cinq ans à Bordeaux, et donc d'une envie très forte.
C'est également un lieu: les Vivres de l'art, qui jusqu'aujourd'hui était un peu le lieu où je ratais systématiquement tous les concerts. la pluie de ce matin m'a inquiété un peu: hé hé je savais pas que les concerts se faisaient dans le hangar...
C'est aussi un jour: ma fin de semaine fut bien remplie, plus encore que le début, en soirées se finissant bien tard, en alcool ouh là là on a bu tout ça découvre-t-on en rangeant le lendemain matin, donc mettre le réveil un dimanche pour aller à un concert matinal j'ai pas trop l'habitude: alors j'aime. Même Msieur Meliès ironisera: "bonjour les sportifs matinaux".
C'est encore une rentrée: c'est mon premier concert de l'année scolaire dira-t-on: je trépigne.
Ce fut enfin tous les bonheurs toutes les joies: pas grand monde bien sur, mais pas personne non plus. Un son obligatoirement pourri vu le lieu, mais tant que les mots et la musique passent, le son, je m'en fous. Un duo, le troisième homme au clavier s'étant cassé le bras: donc juste guitare-chant-batterie, plus quelques bidouillages de remplacements à l'ordi. Un look, Arman Meliès a vraiment toujours des coupes de cheveux hors-normes, des tatouages partout, une chouette allure et...un T-shirt de Sébastien Tellier je crois qui m'a bien fait délirer. Et dès la première chanson, direct ma chouchoute du dernier album, ça claque: d'abord c'est ultra électrique, ultra-tendu, bien électronisé pour des montées en loopings oh waow, et très vite même s'ils ne sont que deux ça part haut. Et ça redescendra jamais: Musique habitée, musique qui vole autour et frappe direct au coeur et au corps, longues plages soniques vrille-cerveau, et ces mots, ces mots qui ainsi entourés d'un écrin musical rentre-dedans mais aussi caresse-autour et envole-partout, prennent encore une nouvelle dimension. Et bonne surprise, voire étonnement scotché: quelques "vieux classiques" sont ici retravaillés, redéfinis, tellement que je ne les reconnais que par le texte. Ca ne durera que 45 minutes, festival oblige, mais les intensités, les éclairs physiques et intellectuels piochés à chaque seconde, ont fait que je vibrais de partout: belles fusions d'un temps passé et d'un présent enfin accompli, je me disais en partant que, haut la main haut les coeurs, j'avais vu là le concert exact qu'il me fallait croiser. A revoir sans hésiter dans une vraie salle, mais finalement ces conditions un peu bricolées ont participé de la singularité de ce moment. J'aurais droit en prime à une jolie petite surprise-discussion avec quelqu'un qui, lorsqu'il m'a reconnu (ce qui était théoriquement et empiriquement impossible), m'a fait vivre quelque chose que dans les concerts je ne vis jamais, et ce depuis vingt ans. Ca m'a rappelé une discussion, ça a amplifié les révélations constantes du quotidien. Tout cela se sera appelé un dimanche matin ? Un peu réducteur, je trouve...

Par tradition, pas de chanson correspondant au concert, sauf rarissimes exceptions. Pas d'exception ici: alors en ce moment la chanson que je mets systématiquement dans ma voiture, c'est celle-ci, du groupe américain Wampire: ça a la pêche, ça s'arrête et ça repart, l'album est aussi frais et excellent que ça: c'est pas interdit de se sentir catchy et pimpant ! 


jeudi 5 septembre 2013

Pré-sorties

Cette fois-ci, ça reprend vraiment ! Mais faut dire aussi, à décharge, que ça arrête pas de défiler chez moi, alors faut trouver le temps, quand même. Ya donc eu, dans l'ordre et sans ordre de préférence, le retour de Morgane en terrasse de bar qui trouve rien de mieux à faire que me tendre un joint dès arrivée, la visite de la germany family, le retour de Roxane qui a versé des larmes (ah non hein !) mais d'émotion (ah oui hein !) et qui a beaucoup parlé des jolies choses dans sa tête pour son été, ce soir c'est au tour de Seb, demain midi madame Agnès (qui trépigne hé hé, je vais encore rentrer chez moi vers 15h dans un état style il est 3h du matin), et demain soir cinq représentants de la géniale troupe des surveillants viennent boire chez moi ! Après, un peu de repos mais je crois pas !



La rentrée ciné a enfin d'une certaine manière commencé, au sens où un pur chef-d'oeuvre a, il était temps, pointé le bout de son nez, de sa beauté, de sa folie, de son exubérance, de sa liberté, de son art, vraiment. Ca vient du Chili (et là Cyril saute en plafond et s'accroche en hurlant "comme Bolano, lui aussi il venait du Chili, Bolano !!"), ça vient d'un vrai Monsieur, un sorcier fou et surréaliste de 84 ans qui je l'avoue pour moi était mort croyais-je, grand manitou de la BD et paraît-il de films des années 70 complètement déjantés que j'ai jamais vu et inutile de préciser que je vais courir à la bibli les engloutir, Messire Alessandro Jodorowsky qui signe avec La danza de la realidad un enchantement, une splendeur, un film aussi ludique que sérieux et concerné. Une magie sur écran, sans aucune des ficelles financières je-t'en-mets-plein-la-vue-sur-l'écran-parce-j'ai-un-gros-budget, mais au contraire j'utilise toutes les ficelles d'un art et de ma vision d'être humain (d'artiste, si on veut chipoter) pour te parler, vraiment, sincèrement. 
Alors ça donne une sorte de récit d'enfance si on veut, une évocation plutôt par tableaux, dont le fil directeur serait trois personnages, entourés d'une multitude de passants magnifiques. Une famille, les Jodorowsky, un père communiste stalinien, une mère disons mystique, et un enfant, double de l'auteur mais qu'importe, choyé-secoué-mis à l'épreuve entre les deux. Le tout dans un cadre proprement hallucinant ou halluciné, un petit village planté entre mer et montagnes immenses, des couleurs, des délires au sens de Rimbaud (tordre la vie pour la rendre plus poétique), des magasins et des habitants pour le moins atypiques, et en prime une mise en situation sociale et politique explicite sans être pesamment donneuse de leçons. 
Autant dire qu'on navigue entre ravissements des yeux tant ça pétille d'inventions visuelles, étonnements du coeur tant on passe du cocasse ou burlesque au bouleversant, avec en prime un procédé génial mais terriblement éprouvant pour les accélérations de battements de coeur, l'apparition parfois de Jodorowsky lui-même à quelques moments du film pour une refléxion poétique sur l'existence absolument scotchante,  et éblouissements du cerveau tant le mélange des genres et des arts (du surréalisme à l'autobiographie, la musique, la peinture, les bilans d'une vie) crée une pure dynamique, une fusée de cinéma. 
Monsieur Jodoroswky, à 84 ans vous m'avez balancé une ode de jeunesse d'esprit qui a ragaillardi ma soirée, mes nuits et mes jours. La réalité, que déjà j'aimais à tenter d'épouser, vous me l'avez faite danser avec tous les sourires et tous les sérieux des importances: je fus, hier soir, mais plus encore après, un spectateur heureux et comblé non de votre film, mais du spectacle de la vie que vous avez su offrir. J'applaudis, haut et fort, très fort.



J'aime pas comparer, mais autant dire qu'on peut pas en dire autant des deux films français bien pâlichons, et heureusement pour eux vus avant. J'ai assez clamé que la rentrée française s'appellera ici Desplechin (dans 6 jours, cinq ans après, c'est long cinq ans) et Kechiche, même si j'ai déjà repéré quelques petites surprises qui vont se glisser dans les interstices, et donc j'attendais pas grand chose de Jeune et jolie et Grand central (vu par hasard/erreur !). Mais entre attendre pas grand chose, et découvrir quasiment rien, ya une distance.
On commencera avec le Ozon, ce Jeune et jolie qui confirme malheureusement pour moi ce que j'ai toujours pensé d'Ozon à quelques exceptions près: ça se laisse voir, et surtout ça se laisse aussitôt oublier. Et moi, voir pour rien ou peu, ça m'intéresse plus, pas le temps. Donc le film est bien foutu, l'actrice aussi (tu parles d'un exploit), froid et distant comme le personnage, ouh là là quel mystère on sait pas ce qu'elle éprouve, ya 4 chansons de Françoise Hardy, euh...Charlotte Rampling à la fin (peut-être le seul moment un peu inattendu du film, ça dure 3 minutes), et puis ah tiens c'est fini. Mais en fait rien n'avait jamais vraiment commencé. Ni dispensable, ni indispensable. 



Grand Central de Rebecca Zlotowski est, dans un autre genre, de la même veine dispensable. J'avais bien aimé Belle épine, son premier film, qui s'avérait relativement original par son contexte entourant la classique chronique ado des premiers films français, un genre qui m'a suffisamment fasciné dans les années 90-2000 pour que je me réjouisse de le voir exister encore parfois. Là, il y a un matériau original et assez bien utilisé, le cadre professionnel d'une centrale atomique et des larbins de la société qui y jouent les bouche-trous. Les scènes de travail avaient un côté fantastique imprévu qui m'a bien plu. Mais se greffe là-dessus une histoire d'amour pour le moins elliptique et rapide, on peut y voir un effet de style, en ce cas ça assèche le film tant on y croit pas, on peut y voir de la maladresse, en ce cas ça assèche le film tant on y croit pas. Au final, il se passe pas grand chose pour nous, voire rien. Tiens, ça me rappelle Jeune et jolie !

C'est comme d'habitude passé totalement inaperçu, mais le pour moi grand, très très grand Pascal Comelade a sorti un nouvel album, son...25ème ! Dans ma collection, il est le seul, avec Sonic Youth, à avoir fait autant de disques que je possède tous, parce que lui, eh ben je l'aime. Je crois que quasiment personne a jamais partagé cet amour avec moi: je ne l'en aime que plus intimement.   

                               

mercredi 4 septembre 2013

Aller vers le futur (IV)

Je reviens bientôt mais les dernières pioches ciné furent pas grandioses, on va essayer de se rattraper ce soir en faisant danser la réalité, donc en attendant, pour fêter dignement mon retour parmi...le milieu étudiant (j'ai la carte dans quelques jours ha ha ha) , un peu de calypso déchaînée avec The mighty Sparrow: on a craqué dessus total avec mon désormais collégien de ptit gars !