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lundi 25 novembre 2013

J'ai lu quelques BD


On commencera avec un monsieur dont j'ai parlé il y a peu, et dont décidément je découvre des oeuvres dont j'ai jamais entendu parler. le canadien Seth livre avec La confrérie des cartoonists du grand-nord un véritable délice (ne serait-ce que pour l'objet lui-même) autour de la BD: en fait ici on nous fait visiter une sorte d'exposition consacrée donc à ces cartoonists humbles et géniaux...qui je crois n'existent absolument pas ! On découvre pourtant des bribes de leurs vies, des dessins, des histoires, des portraits, des objets de collections, le tout baignant dans un clair obscur d'admiration sans fin et de nostalgie d'un possible âge d'or. Objet-BD à part, comme souvent avec lui, ne racontant aucune histoire mais déployant des myriades d'histoires bien humaines, voici un véritable bijou, avec en guise de clin d'oeil la présence dans cette "galerie" de Chester Brown, auteur bien vivant et bien réel ! Je ne suis évidemment surtout pas allé vérifier sur internet si ces messieurs existent, car mieux vaut se retrouver confronté face à une étrange ambiguïté: la biographie de gens qu'il aurait été si bon qu'ils existent...

Parfait symétrique, j'ai enfin mis la main sur La véritable histoire de Futuropolis, de Florence Cestac. Comme son nom l'indique, c'est encore un voyage dans les arcanes de la BD, française cette fois, avec donc l'histoire d'une collection qui existe toujours, collection d'ailleurs qui est l'une des très rares (la seule) en format BD "traditionnelle" que je lis régulièrement. Oui mais voilà, quels chocs et quels étonnements de découvrir qu'il faut remonter au début des années 70, quand quatre jeunes qui ne connaissent rien à la BD ou presque se retrouvent à acheter un...magasin, car Futuropolis fut d'abord un magasin, tenu par un vieil excentrique vite énervé. Equipés d'une 2CV, amateurs de marchés aux puces, prêts à passer les frontières, voilà nos quatre amateurs qui se bougent pour leur magasin, y croisent de futures figures (Tardi, Jean-Pierre Dionnet égal à lui-même dès sa jeunesse - ça devait être quelque chose !, plus tard le fou ingérable Charlie Schlingo...), et peu à peu décident, sur coup de tête, de se lancer dans disons la confection d'objets-livres érudits, underground, tout faits à la main, et ça va marcher...Et là on assiste à ce que j'ignorais, la naissance d'un absolu underground à taille humaine, une sorte d'utopie libertaire réalisée qui je le crains ne pourrait plus exister aujourd'hui. Car c'est là aussi ce que j'ai découvert: une fois rachetés, dans les années 80, par Gallimard, Futuropolis est devenu "normal", alors qu'avant c'était du délire éditorial, des oeuvres d'arts graphiques que j'aimerais bien voir aujourd'hui: la fin d'une époque. D'où une fin de livre presque expédiée, parce qu'en peu de temps tout s'est non pas écroulé, mais a été modifié essentiellement...c'est d'ailleurs assez étonnant et tellement tristement révélateur de voir que plusieurs fondateurs sont partis en 1984 dans l'aventure Canal plus, chaîne qui a ses débuts a pu être regardée comme plutôt underground et est devenue l'hideux capitalisme TV actuel...en tout cas, voilà une BD qui emporte tout sur son passage, qui en dit long sur le monde et les êtres humains des quarante dernières années, qui est d'une drôlerie absolue, bourrée d'anecdotes et surtout d'une humanité dans ce qui l'est le moins, la machine économique et les idéaux. Chef-d'oeuvre.

Bizarrement pas si éloigné, Pasolini, une rencontre de Davide Toffolo n'est pas exactement ce que son titre indique, en tout cas s'avère plus riche et trouble. L'auteur est en effet "contacté" par un double de Pasolini, et le rencontre, puis tente de suivre ses traces. C'est l'occasion d'écouter les mots - tellement justes, tellement prophétiques en un sens - du cinéaste-écrivain-poète, son regard sur la société italienne voire mondiale (sa manière précieuse de conjurer la société de consommation trente ans avant, ça fait autant de bien que peur)...outre tout cela qui déjà justifie lecture, ô combien, la BD partira vers des moments centrés sur l'auteur, entre une relecture de la scène mythique de Nanni Moretti dans Journal intime, et poursuites étranges d'un fantôme inexistant...une très belle oeuvre donc, qui donne furieusement envie de se replonger dans les films du monsieur, dont on n'entend plus trop parler, ce qui là aussi en dit long...je sais ce que je vais prendre à la bibli prochainement !

La voiture d'Intisar de Pedro Riera et Nacho Casanova nous emmène au Yémen, où sous forme de reportage-interview-rencontre, nous suivons le quotidien d'une jeune infirmière, cette Intisar aussi délurée que révoltée, aussi pétillante d'intelligence que drôle et attachante. A travers elle, c'est toute la société yéménite, et les places réservées aux femmes, que l'on découvre, et, ce qui n'est pas toujours le cas avec ce genre très répandu de BD, ici miracle cela ouvre beaucoup plus de questions que de réponses...on est donc confrontés à de l'inacceptable, mais aussi et surtout à du fort complexe qui n'en finit pas d'amener des interrogations. Dans le genre, une totale réussite, avec en prime un personnage féminin débordant d'obligation d'admirations.

On finira avec une BD de chez...Futuropolis, Kongo, le ténébreux voyage de Josef Konrad Korzeniowski, de Toni Tirabosco et Christian Perrissin,  récit historique de cet ukrainien de la fin du XIXème siècle qui part découvrir le "commerce" au Congo, ukrainien qui n'est autre que le futur écrivain Joseph Conrad...On suit donc, outre la naissance à soi-même d'un homme curieux du monde, la naissance des "liens" (hum...) entre Europe et Afrique, entre commerce et esclavagisme, entre présence et utilisation, cet ouvrage de facture classique dans son récit, mais d'un noir et blanc très beau, ouvre là aussi des perspectives disons...révélatrices...



La pop baroque avec de Mice Parade, avec ses déviations hispaniques finales inattendues, conviendra très bien pour ce lundi matin...


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