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mercredi 27 novembre 2013

DVD curiosités: collection Les maîtres italiens

Aisément reconnaissables à ses jaquettes oranges et épaisses, cette collection, que je suis loin d'avoir épuisée, présente divers intérêts: ressuciter un cinéma qui fut mondialement reconnu puis moribond puis disparu, mais surtout éviter les chemins balisés certes ô combien essentiels (Fellini, De Sica, Commencini, Visconti, Scola...) pour nous amener soit vers des oeuvres méconnues de ces maîtres, soit plus fréquemment vers des oeuvres vues comme secondaires, qui, redécouvertes, s'avèrent comme souvent premières - aussi. Exemples: (avec, surtout, la stupéfaction de découvrir un cinéma aussi politique et restant du pur cinéma, on voit plus beaucoup ça aujourd'hui, occasion de mentionner une jolie et fondamentale exception, la filmographie géniale du chilien Pablo Larrain, notamment Santiago 73 post mortem et No...)

Achtung ! Banditi ! de Carlo Lizzani (1951) revient sur la période de la Libération en Italie, et sur les combats mettant aux prises les communistes, les ouvriers et les chasseurs alpins. Film de chair (qui se retrouvent, des femmes sont là, ou qui peuvent à tout instant mourir - il y en aura), film de tactique, film de jeunesse, film d'espoir, et plus étonnant-consternant film dont certaines séquences censurées sont réintégrées dans un mauvais état (séquences parfois très brèves évoquant...l'Eglise !), nous rendant à la fois proches (scènes d'intérieur, scènes de cachette) et bien lointains (scènes d'affrontement, la finale notamment), voilà déjà un premier exemple, moins surprenant pour moi que les suivants, de prise en charge de l'histoire par le cinéma. Et de division d'un pays qui semble bien ancrée dans la quotidien.

On peut mettre en parallèle Le jardin des Finzi-Contini de Vittorio de Sica (1971) qui évoque la grande histoire par le microcosme: à Ferrare, deux familles juives, des jeunes amoureux, une certaine allégresse dans le début (tout le monde va jouer au tennis dans ce fameux jardin), mais le film se déroulera de 1938 à 1943, et donc scellera tous ces destins. Déjà, les amours ne sont pas si simples et partagés que l'on croit, ensuite les périls montent, et puis les différences sociales se marquent, elles aussi, et le film, si léger dans sa première scène, devient un terrifiant délitement progressif, illustrant cette Histoire que l'on ne verra pas mais qui entoure peu à peu chaque acte de ces maisons, ces rues, cette ville. La scène finale, aussi habile et tranchante que respectueuse et digne, est incroyable.

On quitte ces époques pour plonger dans du sombre poétique avec Ostia de Sergio Citti (1970), brûlot amoral écrit par Pasolini (ça se sent !), où deux frères surgis d'on ne sait où, sortes de vagabonds célestes, trouvent une femme (si si) qu'ils vont offrir, salir puis emmener avec eux (ou eux avec elle ?) dans des dérives aussi poétiques que dérangeantes. Poème baroque avec trois acteurs magnétiques, on est là dans ce que le cinéma italien de cette époque pouvait offrir de plus radical: l'envie de réinventer de tous côtés. Dérangeant, mais fascinant.





Double-dose de Dino Risi, qui dans ma tête était un cinéaste de comédies masculines, et qui m'a happé avec Dernier amour (1978), qui comme son nom l'indique prend la question à l'envers, puisque son personnage principal entre en maison de retraite, mais reste plein de "vie" (ou de croyance de vie) après sa vie de comique théâtral...il tombe amoureux, ou désirant, de la femme de chambre, toute jeune, et en avant ils foncent...jusqu'à retrouver la réalité, assez vite d'ailleurs, celle des êtres comme celle du monde qui a bien changé. Frémissant de gravité joyeuse et triste à la fois, ce film qui m'a fait découvrir cette collection résonne longtemps, par sa capacité à mélanger les émotions les plus opposées, dans les recoins troubles du coeur.

Dino Risi, deuxième, avec le très beau et très troublant Ames perdues (1976), film magique (mais de magie noire), baroque et bouleversant, qui fait l'une des rares choses que j'aime avec le fantastique: l'utiliser non pas pour faire peur (souvent ça rate) mais comme métaphore de sentiments. Ici donc, avec peu de personnages, un château délabré, des ambiances nocturnes et quelques bruits étranges et recoins sombres, on va peu à peu percer un mystère bien humain, celui des âmes et des coeurs. Brillant, absolument.

Rien à voir en apparence et pourtant, le personnage central interprété par le génial Gian-Maria Volonte d'Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon d'Elio Petri (1970) vient confirmer cette assez incroyable capacité à mêler politique, cinéma (quelle mise en scène, waow !) et ambition artistique (ne pas asséner un "message", délivrer des options). Donc là, on voit d'abord un meurtrier, puis éberlués on suit ce meurtrier rentrant allègrement dans on bureau de commissaire central, et faisant la leçon à ses employés, puis se rendant sur les lieux du crime ! Fou ? Serial Killer ? Nullement: juste une sorte de démonstration par l'absurde de ce qu'est un rôle social, et des aveuglements qu'il implique. Le personnage, sorte de schizophrène volontaire, fera tout pour se faire découvrir en sachant qu'il ne risque rien. Et le film sera un implacable et stupéfiant tourbillon de folies (personnelles, politiques, morales, sociales) que l'on suit sidérés, un film poliicer à l'envers, mais alors un film scotchant. Magistral.

On finira tous sourires (encore que, pas seulement...) devant le magnifique, drôle, enjoué, enflammé Liberté mon amour ! de Mauro Bolognini (1975) où une Claudia Cardinale à se damner joue le rôle d'une fille de communiste appelée...Libera Amore Anarchia (rien moins !) qui va traverser, robe rouge vissée au corps, l'Italie des années 30-40 comme un emblème de tous les refus, sauf celui de la fidélité politique et de l'amour pour sa famille. Véritable tornade que rien n'arrête (ou presque...), elle illumine un film aussi drôle que touchant, aussi engagé et sérieux que rieur et charmé, qui confirme qu'il est possible de faire des oeuvres sexy, légères et profondes sur des thèmes graves voire sérieux: cette liberté là, faut la garder au chaud. Et ce film-là, le garder pour le regarder encore. Coup de coeur absolu.

Petite oldie, le très beau et tendu Kiss de Scoutt Niblett, la ptite soeur souvent négligée à tort de certaines rockeuses...    

   

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