Avec mon ptit gars, maintenant qu'on lit ensemble les décidément (plus encore quelques années après leur découverte hallucinée) incroyables BD du maître coréen Kang Full (je crois que partager le moindre truc avec mon bonhomme suffira à justifier la vie), eh bien chaque fois qu'on va prendre l'ascenseur du parking, on s'attend à se retrouver avec la même fille à la même heure, comme dans Chassés-croisés, mais ça marche pas. Ca nous rappelle Zucco (gentiment invité sur ce blog s'il veut écrire sur Dire son nom ah ah ah !!) qui voulait voir sa voisine en maillot de bain selon une vendeuse de BD fort perspicace. Ca par contre, on y a eu droit: nos ptites voisines d'en face ont repeint leurs tours de fenêtres en maillot de bain (vivent les taches potentielles !) et c'était très bien. Mon ptit gars a adoré, moi aussi ! Vivement la semaine prochaine qu'on aille voir les nouvelles voisines du Zucco à Montpellier !
Alors attention, livre étonnant ! Même Arthur voyant la couverture a retourné pour voir le résumé, et s'est esclaffé: "C'est l'histoire d'une homme qui cherche une vache ??!!". Ben oui, mais pas seulement. Loin de là. L'auteur gallois, Cynan Jones, est apparemment exploitant agricole, c'est son premier roman, et c'est mon coup de foudre du jeudi et ça s'appelle Longue sécheresse ! Car effectivement, une vache, sur le point de mettre bas, part d'une ferme, et l'homme doit aller la chercher. Certes. Mais ce court roman devient vite aussi choral, pas à la manière traditionnelle de tant d'oeuvres d'aujourd'hui, mais par touches impressionnistes discrètes, amenant de délicates mosaïques à la trame: on se retrouve donc essentiellement avec cet homme, mais parfois soudain auprès de sa femme, son fils, et bien sur, oui oui, parfois la vache ! Et tenez-vous bien: ce livre est à la fois diablement romanesque, car par effleurements impressionnistes c'est des pans entiers du passé qui vont surgir, joies, drames, sans qu'il soit besoin de développer: alors ce petit livre devient une odyssée du couple, de la filiation, du travail agricole au XXème siècle, de la paternité, des failles de nos vies, bref comme une encyclopédie miniature de l'existence, mais avec en prime une langue poétique magnifique, qui emporte cette "simple" histoire au niveau de l'existentiel. Vous l'aurez compris j'espère, à partir d'un canevas mince, Cynan Jones a conçu une oeuvre exceptionnelle, complètement à part. Ca tombe très bien: c'est souvent par là qu'on découvre les plus tendres douceurs.
Jérôme Ferrari, déjà deuxième. Dites donc, il est très bon lui ! Dans Où j'ai laissé mon âme, il redéploie sa narration particulière, une longue lettre entrecoupée de scènes du passé, autour d'un thème assez proche du livre chroniqué récemment: la rédemption, l'horreur dans la guerre avec ici comme toile de fond les guerres coloniales, la torture, la vie d'avant qui de toute façon n'a plus d'après, et au-delà de tout ça, l'existentiel encore (il est prof de philo msieur Ferrari) mais accessible à nous, l'âme, la complexité de l'acceptation de ce qu'on fait. Le texte est à nouveau superbement écrit, de longues phrases étourdissantes dans les lettres, des passages plus secs dans la narration, et c'est au final un texte véritablement impressionnant, dense, tortueux, riche et profond. Auteur à suivre de très très près.
Retour aux ascenseurs coréens avec un fort divertissant et agréable recueil de nouvelles de Kim Young-Ha, Qu'est devenu l'homme coincé dans l'ascenseur ? Quatre récits passant d'une journée où tout, mais absolument tout, rate (ça arrive, Pascal avant-hier a fermé sa porte en laissant ses clés à l'intérieur, il a passé tout l'aprem dehors en T-shirt, il faisait 8 degrés ah ah ah ) à la lettre d'une femme qui vit avec un vampire (probablement), ou encore à des prédictions amoureuses à prendre avec des pincettes. Humour pince sans-rire, thèmes plus sérieux parfois, ça se lit tout seul, et aujourd'hui que le cinéma coréen est malheureusement en panne sèche, autant se tourner vers leur littérature, pour voir. J'en ai d'autres dans le colimateur, déjà !
Deux BD pour finir (car, oui c'est horrible, le rayon BD de la bibli dans lequel je passais une partie de mes semaines est fermée depuis juillet, et jusqu'en mars prochain, mon dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ??!), deux biographies de femmes exceptionnelles.
Avec Olympe de Gouges de Catel & Boquet, on est dans un récit classique (quoique roi des ellipses !) avec des dessins enlevés et joyeux, donc l'intérêt premier c'est l'époque, ce bouillonnement révolutionnaire bien rendu - avec humour - et surtout bien sur ce personnage de proto-féministe, génialement fille des Lumières, qui arrive à placer les hommes et la société devant leur contradiction première: l'inégalité sexuelle. Ca se lit avec aisance, c'est futé, piquant, ça ne révolutionne rien, mais ça ouvre plein de perspectives.
On finira avec une biographie d'une toute autre ampleur: Tina Modotti, d'Angel de la Calle, dont j'ignorais absolument l'existence, est une photographe communiste du début du siècle, et alors là attention, quelle femme, oh là là waow !!! Déjà allez jeter un oeil sur des photos d'elle sur le net (mettez des matelas autour de la chaise en cas d'évanouissement direct), ensuite jetez-vous sur cette BD passionnante, qui alterne entre les recherches contemporaines de l'auteur, son amitié fort amusante avec Paco Ignacio Taibo II qui est dans la BD (il ronfle très fort !), et la reconstitution de cette femme libre, exceptionnellement talentueuse et intelligente, qui finira par mettre sa vie au service du communisme. C'est peu dire que le genre biographique dans la BD contemporaine a été plus qu'exploité, mais là, clairement, que ce soit pour son personnage, ses dessins et sa construction, cette BD absolument géniale se hisse sans problème sur le podium imaginaire du genre.
Comme aujourd'hui il pleut, il faut un peu de douceur musicale, alors on y va pour ce morceau de How to dress well. Au passage, non, surtout, il est dédié à la demoiselle de tout là-haut (qui passe ses vacances dans un hôpital, non mais quelle idée !) qui m'écrit si gentiment des SMS pendant que j'écris ceci...Clin d'oeil, souvenirs...merci donc, et révérence...
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