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vendredi 20 septembre 2013

"Moi, la mer, ça me donne envie de faire l'amour"






On commencera par le présent, et un premier film français qui va pas plaire (sûrement à juste titre) à tout le monde ou grand monde, à l'honneur aujourd'hui, donc un exercice typique du cinéma de notre pays, et redoublé par le fait que c'est un premier film féminin, là encore rarissime sont les pays où le cinéma est fait par des femmes (et tout le monde s'en fout - no comment). Donc Justine Triet, issue des Beaux-Arts (j'en sais pas plus) balance un pavé dans la mare de l'exercice attendu avec La bataille de Solferino. Et déjà clame au monde un truc que j'ai déjà dit et que je veux répéter longtemps: Vincent Macaigne est le génie français acteur (il est aussi metteur en scène de théâtre et de moyen-métrage cinéma) des années 2010 commençant. Révélé pour moi avec la première venue de Boris dans mon canapé (si on avait imaginé à l'époque ce que moins d'un an après nos vies seraient devenues !) devant le génial Un monde sans femme de Guillaume Brac, dont le nouveau film arrive bientôt,  confirmé ensuite par la moindre de ses apparitions (notamment La fille du 14 juillet dont j'ai parlé il y a quelques temps), j'avoue que moi qui n'en ai rien à cirer des acteurs-actrices, lui, dès qu'il est dans un film, j'y cours j'y vole. Je ne savais don rien sur ce premier film. Et maintenant...
Bon, le contexte est double: ça débute dans une cacophonie enfantine, et même très petite enfantine: un appart, un couple (mais l'homme n'est pas le père), deux très petites filles (faut oser, pour un premier film): ça crie, ça pleure, c'est tendu, on entend pas bien parce que les petites pleurent vraiment beaucoup. Un matériau total premier film français: trentenaires au quotidien. Arrive un baby-sitter assez lunaire et vite dépassé. La mère est journaliste à la TV. Et c'est l'élection présidentielle de 2012: le jour des résultats: elle va les couvrir. Suivra alors une autre cacophonie: celle de la rue: même bruit que les petites, mais plus de monde. Ca couvre la première moitié du film. Et ça me laisse circonspect: je vois pas vers quoi ça va. Certes on n'est pas dans le sentimental que j'ai tant aimé dans le jeune cinéma français des années 90-2000, mais ça mène où cette confrontation du politique et de l'intime ? Sauf qu'un grain de sable s'est immiscé: Vincent, le père, l'ex, joué par Vincent Macaigne, qui débarque bardé de cadeaux complètement délirants et décalés: il veut voir ses filles mais n'a pas le droit par décision du juge: il serait dangereux, il est surtout frappé et incontrôlable, drôle et mettant un peu mal à l'aise. Fou ou extra-lucide ? Donc mis à part lui dès qu'il apparaît, la première moitié du film me convainc sans plus.
Et puis arrivent les 45 dernières minutes. Et là, avec un dispositif ultra-minimaliste s'opposant à ces foules et ce "destin national" un peu inattendu du début, va surgir un moment de cinéma, long et étiré à l'extrême, des plus inattendus et réjouissants pour moi. Un pari osé, où avec peu, mais en le creusant à l'infini, le film va dévier, les acteurs mais surtout Macaigne être soumis à un exercice casse-gueule mais scotchant de réussite:  et on alterne entre des émotions vraiment radicales, j'ai énormément ri, j'ai aussi été très mal à l'aise, parfois ému, et je ne sais toujours pas, au final, ce qu'il faut retirer de ce film, sinon que toute sa première partie prépare la deuxième, qui résonne comme une bombe lancée dans le territoire français psychologique le plus connu, pour en faire une foire, une bataille au sens guerrier, et surtout, surtout, une interrogation sur l'amour, les manières d'aimer, de ne plus aimer, de vouloir aimer, de savoir ou pas ou peu aimer, qui électrise et m'a enflammé. Il y a longtemps, très longtemps, depuis le surgissement de Christophe Honoré je dirai, que je n'avais vu un ou une réalisatrice française s'attaquer à la question amoureuse avec autant d'effronterie, d'originalité, de singularité et de refus des sentiers balisés (je parle pas du clinquant d'un Ozon qui choque que le centre mou): ici, psychologiquement, ce sont des kalachnikovs amoureux qui sont convoqués, ceux qui font mal et qui font du bien en même temps, qui surtout désorientent et réorientent tout sur leur passage. Je crois que souvent je reverrai ces quarante-cinq minutes qui me font me dire que oui, il y a une dame, désormais, dans notre cinéma, qu'il va falloir suivre de près, et elle s'appelle Justine Triet, et je crois que pour l'instant elle a pas peur de grand chose. Un vrai bouquet de nerfs elle m'a donné. Trop heureux, le moi ! 




On finira par une douleur, pas malheureuse mais indignée: le généticien humain, trop humain Albert Jacquard est mort à 87 ans, et globalement dans ce qu'on appelle les "média"  (ça relie ? J'appelle ça les éloigneurs, si on les suit vraiment) ça a fait l'objet d'entrefilets. Et moi ça me dégoûte, les dits-médias me font gerber, je leur vomis à nouveau dessus. Moi, ce monsieur, que j'ai découvert à cause d'une bourde que j'ai dite au boulot ya maintenant une dizaine d'années, il a modifié mon existence,  et également mon travail, et plus encore les liens que mon travail m'a permis de tisser avec certaines jeunesses, Ses livres sont des concentrés d'intelligence et de science, d'ouverture d'esprit ne craignant jamais la singularité voire les révolutions tous azimuts. Un vieil homme qui se déplace en personne dans les écoles primaires dites ZEP, qui écrit pour enfants, grands ados ou adultes (mais qui le savait ?) sans jamais simplifier ses idées révolutionnaires, et surtout qui a fait dire à des ados que j'ai croisés ya dix ans "quand on parlait de Jacquard, j'étais pas en cours, je volais, et depuis je pousse des raisonnements" ou encore mieux, qui a fait graver certaines de ses phrases dans les toilettes d'un lycée (j'y croyais pas, j'ai vérifié, ils me mentaient pas), je considère qu'il aura été plus important que tout ce que les non-médias auront bien voulu faire croire. Il concluait son livre pour grands ados en disant qu'il avait dialogué avec le passé en lisant des livres, dialogué avec le présent en partant à la rencontre de tous ses contemporains, des SDF aux ministres, et dialogué avec le futur en écrivant ce livre pour son futur arrière petit-enfant. Bilan, disait-il: "Mort, où est ta victoire ?". On peut désormais répondre, puisqu'il n'est plus physiquement: Mort, regarde ta défaite, face aux écrits et à la vie de ce géant cervical à taille humaine. Albert Jacquard, je vous remercierai jamais assez, mais toujours.

 Et la ptite rappeuse Vida Killz elle me plaît bien , dans la voiture ou dans l'appart, on l'écoute on  l'entend on l'attend on la trouve on la découvre.





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