Pages

mardi 19 mars 2013

"En quel lieu nous viendra le souvenir de cet instant ?"

Bonne pioche cinéma ces derniers temps...



On commence avec le très fort et remuant documentaire de Lam Lê, Cong Binh, ou deux heures à suivre les archives mais surtout écouter scotché de très vieux vietnamiens, tous âgés de 90 à 103 ans, pétillants de jeunesse pourtant, évoquant l'enfer que fut l'introduction du colonialisme dans leur vie. En 1939, chaque famille de trois enfants devait fournir l'un de ses garçons à la France pour aller travailler dans les usines, remplaçant les soldats. Oui mais la guerre si vite perdue, ces pauvres hommes vont se retrouver coincés, exploités, baladés d'usines en usines, puis à la Libération à nouveau coincés, s'organisant peu à peu grâce aux trotskystes, voulant rentrer dans leur pays visant l'Indépendance, mais rejetés là-bas car considérés comme complices du colonisateur. Bref, des vies laminées par l'Histoire ou plutôt les Histoires, et qui enfin ici, si tard, viennent enfin dire. C'est donc un documentaire passionnant, glaçant, éblouissant devant la dignité de ces hommes, sidérant par la folie de ces destins constamment entravés. Une page de notre putain d'Histoire dont j'ignorais tout et qu'il m'a été salutaire de découvrir. Essentiel.



Autre maudit d'une histoire bien moins importante, mais tout aussi révélatrice: j'ai vu les 3h40 de La porte du paradis de Michael Cimino ! Ce film maudit, qui fit couler une partie d'Hollywood (ha ha ha, vivement que ça se reproduise), qui lança tant politiquement que cinématographiquement la navrante vague tellement plate des blockbusters, ressort dans une version définitive et remasterisée. Et ?...et ouiiiii...grandiose, terrible, stupéfiant quand on voit combien toute la grammaire actuelle des "films" d'action s'est construite contre ce cinéma-là...donc des plans-séquences étirés en veux-tu en voilà, qui permettent de scruter presque entomologiquement nos existences et nos coeurs, un scénario tellement politique sur la naissance d'une nation et surtout du capitalisme qu'on n'en revient pas que Hollywood ait pu le financer, des personnages qui existent grâce au temps pris pour les découvrir, un principe métaphorique génial, l'Amérique réduite à un micro-village boueux, une seule scène d'action de 20 minutes tellement réalistes qu'on y voit presque rien à cause de la poussière (Ah qu'il est bon de pas avoir les moindres effets spéciaux dans un film Hollywoodiens), bref: de la pure intelligence mise en scène. J'ai lu ici ou là que le film avait vieilli, qu'il se traînait: bien sûr que non, car prendre le temps fait gagner de l'humain, et surtout parce que c'est le regard des spectateurs qui vieillit les films, ils ont la jeunesse éternelle, puisqu'on n'y vieillit jamais à chaque rediffusion. Le porte du paradis ? J'y suis entré et c'est régénérant.



On finit avec Au bout du conte d'Agnès Jaoui. Ah ouf même si c'est pas ici qu'il y aura une nouveauté radicale bien sûr, il subsiste donc des essentiels: oui une telle femme peut encore tourner des films aujourd'hui, en tout cas chez nous, oui on peut encore faire du cinéma sensible, intelligent et accessible, oui on peut regarder nos existences avec sourires et cruauté, avec tendresse et coups de poing, avec profondeur et aisance. Et puis on peut aussi filmer ici le vieillissement sans honte, voire avec courage, à dégager la pseudo-beauté des "acteurs" pour magazines, on peut jouer avec les contes pour en faire des reflets de notre quotidien, et on peut donc se dire que cet univers-là, ça fait vraiment du bien qu'il existe. Un film à prendre dans ses bras avec tendresse et gratitude.

Hallelujah ! Ma rockeuse préférée est de retour avec son dixième album, et pas de doute: c'est toujours tendu comme un arc électrique,  c'est toujours parfait, c'est bientôt en concert, et c'est définitif: la plus grande des rockeuses, c'est Shannon Wright...(pas de morceau trouvable de son dernier album, retour aux grands classiques alors...)




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire