Pages

samedi 29 juin 2013

Nos vies fauve

Qu'il est bon de pouvoir habiter à Bordeaux et vivre sans bouger, sinon de l'âme, à Montpellier en même temps...Ces derniers temps, avec Zucco et Boris, on a un peu vécu ensemble, et on a tout essayé pour et surtout grâce à  l'indien: elle reste encore un peu sur sa réserve au lieu de venir dans la sienne, mais faut bien garder espoir. En tout cas merci les amis...
Et puis Fauve est venu balayer nos trois coeurs et cerveaux: une bande-originale tombée du ciel, une déflagration comme ya des années que j'en ai pas entendu, une coïncidence millimétrée entre le monde, nos existences et quelques mots scandés. Le hasard et la nécessité.
Et puis aussi mais rien que pour moi, une fin de dimanche qui devait être une fin de dimanche, et puis oh ! dans ma rue, Madame la présidente ! Et du coup plus de deux heures de enfin-vraie-rencontre: ça, pour moi, et je crois pour elle, ce fut exactement comme le sourire après un espoir plutôt sceptique, qui devient certitude. Merci madame !
"Et on est là haletant, on s'accroche au moindre petit signe du destin, on y est presque, oui, oui, et vlan...rien" Pas ce dimanche mon Boris. Je t'attends, place à bientôt !

Bonne pioche de lectures ces derniers temps.


Honneurs suprêmes à une femme et un livre incroyable, Un diamant brut, d'Yvette Szczupak-Thomas. Un livre tornade, écrit comme un poème plein de feux à la Rimbaud, pour une autobiographie partielle, douze ans de vie, 1938-1950, correspondant en gros à ses six, vingt ans. 
Elevée en famille d'accueil dans la campagne de Bourgogne, cette désormais artiste dont j'ignorais toute existence évoque principalement avec une puissance rare et constante, les tourments de son âme face à la découverte du monde dans son ensemble. Une pure dimension psychologique, attisée par les flammes de ses points de vue, où toute souffrance est bannie, non, où toute souffrance si elle se présente peut être disséquée pour être dépassée. J'avoue avoir rarement lu une autobiographie, disons, aussi percutante, aussi vivante, aussi belle et forte: ça bouge tout le temps dans son âme à cette fille ! 
Et puis les basculements: changement de famille, une fois, puis rencontre avec un riche couple de parisien, stupéfaits par cette fille, qui l'emmènent-l'achètent-l'adoptent vers ses douze treize ans, et la voilà catapultée, pour ses aptitudes artistiques encore enfouies, au milieu des amis du couple: Picasso, Eluard, Giacometti, René Char, Miro et j'en passe !! Qui tous vivent à ses côtés, au sens fort du terme, comme certains adultes savent vivre aux côté de beaucoup plus jeunes parce que l'âge n'empêche en rien l'existence. Ajoutez à cela la création d'Israël comme future étape d'un parcours personnel hors-normes, et vous aurez compris que les 400 pages de ce pur diamant effectivement fait tourner la tête comme peu. Les douze années de vie racontées ici en valent mille, et je n'ai rien dit des questions-fusées supersoniques autour de l'adoption, la filiation, la vie sentimentale, la folie des humains et l'étrangeté de soi-même. Amour amour, mais total total...


Autre déflagration d'un tout autre genre, mais grande découverte (un autre roman de lui est déjà sur mes étagères): le québécois Gaétan Soucy m'a bluffé et enthousiasmé avec La petite fille qui aimait trop les allumettes. Un roman écrit dans une langue toute autre, très intrigant au début: on ne sait trop où nous sommes ni quand, aujourd'hui ou dans un intemporel de conte ? Seule certitude: dans une famille , deux garçons, le père, et le père vient de mourir. Un garçon raconte, on comprend peu à peu qu'ils vivaient reclus dans une sorte de folie du père, et il va falloir aller à la ville pour s'occuper de l'enterrement. Il ne faut pas en dire plus parce que que même si le roman est court, il fait un truc vers le milieu que, j'avoue, je n'avais jamais lu dans un roman ! Très très fort. Très très. Et donc plus que l'invention d'une langue, d'un style empli de drôleries, d'étrangetés et de fulgurance ("Mais quand on essaie d'aimer, tout devient compliqué car peu de gens ont de cela la même imagination dans le chapeau"), c'est avant tout un grand, fort et beau livre, un livre marquant, assez voire totalement unique en son genre. Monsieur Soucy, chapeau bas.




Pour qui lisait mon ancien blog, ce ne sera pas un secret que de dire que je suis amoureux d'Anne-Marie Schwarzenbach, dont je vois les livres avec le même amour qu'on peut avoir pour le corps de sa copine en été, et en hiver, et au printemps, et en automne. La retrouver, c'est l'aimer plus encore. Voir une femme est une courte nouvelle qui m'a enveloppé de trouble et de bonheur qui fait un peu mal: une sorte de variation sur le coup de foudre et les espoirs et peurs qui en découlent dans le milieu des hôtels balnéaires des années 20. Coup de foudre féminin bien sûr. Eh bien comme toujours avec elle, coup de foudre pour moi.
La mort en Perse est à nouveau une sorte de carnets de ses voyages et de ses états d'âme, écrits comme si un oeil admirait ce qu'il y a de plus beau et douloureux chez chacun. Cette femme était vraiment une femme tout autre, et ça me réjouit de voir et savoir que plus je la découvre, plus je l'aime. Je sais pas si dans la vraie vie cela marche...



Virage à 360 degré avec Paris insolite de Jean-Paul Clébert, poète du bitume des années 50, et du bitume avec ses habitants: ce qu'il appelle la Cloche, clochards, laissés-pour-compte, exilé volontaires ou pas de la vie sociale et du travail, dans un Paris qui n'existe plus mais est ici montré (et souvent on écarquille les yeux car c'est effectivement un monde englouti aujourd'hui) en 150 photos accompagnant le texte digne d'un Céline, texte à la gloire de la paresse, de la curiosité, de la beauté des vrais losers, des bistrots comme là aussi il n'en existe plus, des prostituées, un internationalisme de la marge et surtout un refus de la vie calibrée par les sociétés. je connaissais pas le monsieur, mais alors quelle chance de le rencontrer, quel effroi aussi quand même de lire un livre qui a une soixantaine d'années et semble déjà faire partie d'un monde révolu. Mais c'est vraiment un bel objet, un précieux "document" dans lequel vibre un réel écrivain.



On finira avec un décidément grand monsieur, en plus d'être un des chanteurs français des plus brillants, Dominique A sait écrire et penser, et Y revenir, son évocation autobiographique de sa ville d'enfance et d'adolescence Provins (entendue dans le sublime Rue des marais) est un éblouissement, une sorte d'archéologie d'un monde et surtout d'un rapport au monde, du tout petit au déploiement du plus grand, dans lequel on s'immerge avec stupeur et admiration. Le livre est court mais d'une extrême densité, très écrit mais au sens noble: il s'agit là de quelqu'un qui a vraiment quelque chose à dire. Et cela n'est pas si fréquent, en particulier quand un chanteur écrit. Mais là, ce n'est pas un chanteur: c'est Dominique A.

Bon ben on peut pas finir, même si c'est pas très original, sans écouter Blizzard...Fauve, découverte au-delà des fondamentaux...


  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire